Pour ce nouvel opus je m’attaque à une approximation que certains d’entre vous ne partageront sans doute pas. Quand en 1983 le réalisateur britannique John Badham sort sur les écrans son thriller d’action «Tonnerre de Feu» le film d’aviation n’est pas vraiment à la mode, et pourtant il réussit à y croire. Car au cœur de l’action de ce long-métrage américain se cache l’hélicoptère de combat Blue Thunder qui va durablement marquer les esprits d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique nord. Pour autant pas forcément pour les mêmes raisons.
D’abord il faut resituer John Badham en 1983. C’est un réalisateur qui a le vent en poupe, surtout depuis la sortie six ans plus tôt du film musical «La Fièvre du Samedi Soir» avec John Travolta en vedette. En 1979 sa relecture du mythe de «Dracula» avec rien moins que Sir Laurence Olivier dans le rôle du professeur Van Helsing est salué par la critique.
Pourtant Badham n’est pas particulièrement enclin à réaliser ce «Tonnerre de Feu» commandé par les studios Columbia. Il planche alors sur un technothriller d’anticipation qui lui tient vraiment à cœur. Cependant les studios réussissent à le convaincre de laisser de côté son film baptisé «WarGames». Il y reviendra quelques semaines seulement après la sortie de «Tonnerre de Feu».
Si «La Fièvre du Samedi Soir» a révélé John Travolta «WarGames» lance véritablement Matthew Broderick. Et «Tonnerre de Feu» dans tout ça ?
Bah rien car le film n’a pas de jeune acteur ou actrice. Il repose même sur une valeur alors sûre du cinéma américain : Roy Scheider. En une décennie l’acteur sort de trois énormes succès : le thriller «French Connection» de William Friedkin, le film de suspens «Les dents de la mer» de Steven Spielberg, et enfin le film musical «Que le spectacle commence» de Bob Fosse. Aussi la proposition de la Columbia le surprend mais il faut bien vivre et il accepte le rôle principal… enfin ex aequo avec l’hélicoptère.
Niveau seconds rôles ni Candy Clarke ni Warren Oats, plus habitué des rôles westerns, ne semblent faire le poids. Le seul qui peut a un rôle de méchant qui lui va très bien : Malcolm McDowell. Le héros du cultissime «Orange Mécanique» de Stanley Kubrick et du très sulfureux «Caligula» de Tinto Brass est un acteur de génie.
Roy Scheider, Malcolm McDowell, et un hélicoptère de combat : voilà le trio sur lequel Badham et la Columbia comptent pour faire marcher leur film. Et vous savez quoi ? Ils y arrivent. «Tonnerre de Feu» est en fait le premier véritable film pop-corn des années 1980. Pourtant son scénario tient sur un timbre poste : un pilote de la police de Los Angeles souffrant de syndrome post-traumatique lié à la guerre du Vietnam prend les commandes d’un hélicoptère ultramoderne destiné au maintien de l’ordre et à la guerre contre les terroristes. Si ça vous rappelle quelque chose c’est normal la série culte «Supercopter» sera un peu (beaucoup) pompé dessus.
Le film sort et il cartonne partout dans le monde. C’est le premier vrai film d’action.
Sauf qu’en France et en Grande Bretagne les moqueries commencent à arriver. Pourquoi dans ces deux pays ? Parce que ce sont là les nations qui construisent et utilisent l’hélicoptère choisi pour être le fameux Blue Thunder, le super hélicoptère de la police de Los Angeles. Qui dit France et Grande Bretagne avec un hélicoptère dit forcément Anglo-French Helicopter Agreement. Car l’hélicoptère choisi est un Aérospatiale SA.342 Gazelle profondément modifié. Ou presque. Et à cette époque la machine est construite outre-Manche comme Westland Gazelle. L’Aviation Légère de l’Armée de Terre, la Fleet Air Arm, ou encore la Royal Air Force volent alors dessus.
Pourquoi ce choix de la Gazelle ? D’abord parce qu’en 1983 aux États-Unis c’est un hélicoptère que très peu de gens connaissent en dehors des aérophiles. Il est ultra moderne et avec son fameux rotor anti-couple Fenestron a presque l’air futuriste.
Ensuite le studio a besoin d’un hélicoptère qui ne sera pas reconnu immédiatement une fois maquillé. Et surtout il se dit qu’un des responsables des cascades fut séduit par le fameux son de la turbine de l’hélicoptère français. La Gazelle peut devenir Blue Thunder.
C’est là que selon moi se cache l’approximation : les spécialistes des effets visuels ne sont pas allés assez loin dans le maquillage de l’appareil. Outre le fait qu’une mitrailleuse Gatling est ridicule pour un service de police américain l’hélicoptère reste beaucoup trop identifiable. Trop sage en fait, pas assez délirant, pas assez Hollywood. En fait hormis le poste de pilotage ils n’ont rien fait d’extraordinaire dessus.
Pour le gamin que je suis à l’époque et qui dévore trois revues différentes : Pif Gadget, Mad Movies (que je pique à mes sœurs!!!) et Air Fan ce Blue Thunder est juste un énorme kif. Sauf qu’au cinéma je le vois comme la Gazelle que je connais grâce à mon mensuel d’aviation favori.
Si on excepte les scène avec le Blue Thunder le reste du film est tout de même très long. Trop peut-être, et c’est ce qui fait qu’il a si mal vieilli. Je l’ai revu à Noël dernier sur une plateforme de replay et je me suis ennuyé. Pour ne pas dire autre chose. À tel point même que je me suis endormi dessus. Comme quoi…
Photos © Columbia pictures.
NDLR : Les photos ne viennent pas du film mais de sa production.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
11 Responses
Bonjour Arnaud,
Et merci pour l’article, comme toujours intéressant (même si, perso, je suis plus FANA qu’AIR FAN, mais bon, des goûts et des couleurs…).
Une question d’ordre général m’est venue en vous lisant. Est-ce que les constructeurs doivent, pour des films ou des séries, autoriser l’utilisation de l’image de leurs machines, au moins lorsque celle-ci est identifiable? Par exemple faut-il demander à BOEING une « permission » quelconque pour faire crasher un 747, ce qui ne doit pas être, au moins au niveau inconscient, un très bon argument publicitaire vis-à-vis d’un passager futur, ou bien les réalisateurs font-ils ce qu’ils veulent?
J’attends la suite de la série avec impatience.
J’avoue Olivier que je me suis toujours posé la même question. Je ne pourrais donc pas vous répondre sur ce coup là.
Dommage, et encore merci.
Normalement il me semble que oui. Le design de l’avion appartient au constructeur, c’est son image. Dans les jeux vidéos par exemple, les modèles existant d’avions (mais aussi de voitures) ont fait l’objet d’accords commerciaux pour une exploitation de l’image du véhicule entre la société de production et le constructeur (c’est pour ça que dans, par exemple GTA, il n’y a aucunes vraies marques existantes, contrairement à Flight Simulator).
C’est également vrai pour le cinéma : souvent les avions sont maquillés ou créés de toutes pièces avec l’aide de spécialistes (comme pour le film Flight par exemple – petite idée pour Arnaud 😉 )
@Olivier Je pense que si les avionneurs le voulaient ils auraient le droit, comme toutes marques a ce que l’on ne donne pas une image négative de leurs produits. si on prend l’exemple des placements de produits, regarder le prototype Audi dans l Robot du personnage de Will Smith après l’attaque de 100 de robots, sa « résistance » aux chocs protège le héros ! La même marque dans les franchises Marvel surtout pour Tony Starck. Une Omega de 007 peut servir de bombe cachée, de filin mais le verre de celle- ci n’est jamais rayé 😉 Un autre cas intéressant et qui répond en partie a votre question est Celui d’Apple : Seul, les gentils ont le droit d’utiliser la marque a la pomme les méchants ont d’autres téléphone ou ordi, c’est non négociable pour la firme de Cupertino… Pour finir sur l’aviation, dans Casino Royal l’avion visé par une attaque terroriste du Chiffre est un « Skyfleet » avionneur purement fictif même si l’avion a un air de Seattle .
Merci a @ Arnaud pour cette série sur le cinéma
🙂 ce film que j’avais regardé même en VHS après sa sortie en salle. Arnaud je pense que vous n’auriez fini avec les films sur l’aviation. Nimitz le retour vers l’enfer avec le Zéro contre le F-14. Rambo avec le Puma en Hind. Ah j’oubliais presque, il y a le film avec Alain Delon dans le rôle du pilote du Concorde. L’AB-8B de True lies avec Schwarzy est aussi très drôle.
Comme avec « BLUE THUNDER », à l’époque on avait de vrais images de vrais appareils en vrais vols. Aujourd’hui on a des appareils très réalistes, mais ce ne sont plus que des images de synthèses à qui il manque ce petit truc qui est la réalité et qui gâche tout le parfum de l’aviation et du vol. Je préfère un film avec des erreurs comme « Nimitz retour vers l’enfer » ou « la bataille de Midway » avec de vrais appareils représentant approximativement la réalité et de vrais images aériennes que ce que l’on a aujourd’hui.
🙂 Les T-8 déguisé en Zéro ou des Kate et Val , c’était marrant mais qu’avec les images de synthèse on arrive à avoir des rendus tellement réalistes qu’on ne sait plus si c’est du vrai ou pas dû aux talent des graphiste CGI. N’empêche que quand un réalisateur veut des plans qu’il ne serait pas crédible dans la réalité, les graphistes exécutent la demande, d’où le petit truc manquant.
Bonjour, je crois me rappeler avoir lu que le maquillage de l hélicoptère n avait pas été sans problème. La cabine modifiée était trop lourde et entraînait une certaine instabilité de la machine.
Arnaud, vous avez peut-être des informations la dessus.
Bonjour à tous…
Auriez vous perdu votre capacité à rêver pour n’être devenus que froidement rationnels ?
Allez, ouvrez vos mirettes de mômes et laissez vous porter par la magie de l’instant. Soyez critiques, ne devenez pas aigris, Vous allez vous choper cheveux blancs (pour ceux qui en en encore) ou ulcères.
Merci Arnaud pour cette rubrique que je suis avec un sourire sur les lèvres.
Merci pour l’article. En ce qui me concerne, j’adore ce film qui n’a pas trop mal vieillit même coté scénario. C’est un bon thriller. Je trouve que le maquillage de cette gazelle est assez bon et la machine parait « fonctionnelle ».
Oui la gatling c’est un peu ‘too much’ mais qu’attendre d’une production américaine? 😉
Reste qu’en matière de film avec une machine volante de combat, c’est un jalon du genre. Le Blue Thunder fait partie intégrante de l’histoire et le film n’est pas juste un faire valoir pour lui.