Le célèbre bâtiment de guerre brésilien va t-il connaître la même fin de vie cauchemardesque que son sister-ship ? Les difficultés autour du démantèlement de l’ancien porte-avions français suite au refus de la Turquie de l’accueillir mettent de plus en plus le Brésil en difficultés. Et l’idée récemment avancée par certains élus et par les militaires de le saborder en Atlantique sud a créé une véritable levée de boucliers chez les écologistes et partis de gauche locaux. C’est désormais à la justice fédérale brésilienne de statuer sur le futur sort de celui qui aura été un fleuron pour la Marine Nationale puis pour la Marinha do Brasil.
Nous avions déjà abordé le cas des difficultés du Brésil à se séparer du bâtiment de guerre après la décision en septembre dernier du chantier naval turc d’Aliağa de lui fermer l’accès portuaire. Le NAe Sao Paulo avait alors regagné, bien malgré lui, les côtes brésiliennes sous la protection de remorqueurs hauturiers. Une traversée de la Méditerranée et de l’Atlantique étroitement surveillée par les associations et ONG écologistes mais également par plusieurs agences internationales.
La crainte résidait bien dans la superstructure elle-même du porte-avions.
Car soyons très honnête, et malgré l’attachement que d’anciens de la Royale pourrait avoir pour lui : l’ancien Foch est un poubelle flottante ! Au milieu de ses 30 000 tonnes de ferrailles le porte-avions compte encore entre 600 et 650 tonnes d’amiante et près de 170 tonnes de peintures anti-corrosion réalisée avec un mélange cadmium plomb. Pour mémoire ces matériaux sont non seulement hautement cancérogènes pour l’homme et la majorité des mammifères mais également une aberration en terme de recyclage industriel.
Ce sont d’ailleurs en partie à cause d’eux que les autorités turques ont, très logiquement, décidé de refuser le démantèlement du porte-avions. Ils auraient dû être déposés avant le transfert Brésil Turquie à l’été dernier.
Désormais donc le NAe Sao Paulo encombre. Les autorités portuaires civiles brésiliennes lui refusent l’entrée et les arsenaux militaires n’ont pas la place de le recevoir. Il est donc au mouillage au large des côtes du pays, sous la protection de deux patrouilleurs. Une situation ubuesque et ô combien onéreuse pour le Brésil.
Des parlementaires et des gouverneurs locaux proches de l’ancien président Bolsonaro ont repris pour eux l’option privilégiée des militaires : couler le porte-avions soit par sabordage soit en le torpillant. Une telle solution est évidemment rejetée par l’actuelle majorité du président Lula autant que par les très nombreuses associations écologistes présentes au Brésil. Elles étudient plutôt la solution d’origine : dépolluer le navire et ensuite l’envoyer dans un chantier étranger de démantèlement.
Reste que la pression militaire est forte et que Lula ne peut pas, politiquement, aller trop à son encontre. Il a donc remis l’affaire logiquement entre les mains du pouvoir judiciaire. Les juges fédéraux ont désormais quelques semaines pour rendre leur décision : le fond de l’Atlantique sud ou le démantèlement ? En France un tel choix n’aurait rien de cornélien et la seconde option serait immédiatement choisie… en quelques jours et non semaines. Mais au Brésil le poids des militaires demeure très fort. La justice marche donc sur des œufs.
Triste fin en tous cas pour ce navire d’un autre temps, qui marqua profondément l’aventure aéronavale française durant la guerre froide et les années 1990.
Affaire à suivre.
Photo © Marinha do Brasil
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
15 Responses
Pour qu’il soit dépollué il faut encore qu’un pays accepte de le recevoir, que le Brésil puisse payer la facture.
En dehors de la décision politique, je ne sais pas qui dans le monde a les capacités et une opinion publique favorable.
C’est sûr et certain. Après il n’est pas impossible que l’industrie brésilienne possède la capacité de dépolluer le porte-avions. Ce qu’il faut absolument, mais cela n’engage que moi, c’est faire en sorte qu’il ne finisse pas au fond de l’eau. Ce serait alors une catastrophe environnementale de plus.
Bonsoir,
Je sais que cela votre spécialité sur ce site, mais à quand des articles sur nos anciens portes avions avec l’historiques de leurs avions embarqués, de leurs déploiements, des hélicoptères embarqués, etc.
Ce serait intéressant.
A creuser !
Bonsoir Jul,
L’idée en effet est à creuser même si nous en possédons déjà dans la partie encyclopédique du site, dans le chapitre sur l’histoire aéronavale. À consulter ici : https://www.avionslegendaires.net/dossiers/porte-avions-aeronavale/
Après il existe un site assez ancien, assez peu remis à jour mais très efficace sur l’histoire aéronavale (uniquement française) c’est Netmarine : http://netmarine.net/bat/listes/desindfr.htm
Peut-être y trouverez vous votre bonheur.
Merci
Bien 10 ans qu’il n’est plus mis-à-jour. Vraiment dommage car il y a une belle collection photographique, avec historiques des unités et bâtiments. J’y ai passé des heures…. Jusqu’au jour ou l’hébergement du site ne sera plus payé. Une problème pour de nombreux sites « encyclopédiques ».
Coulez le
Bonjour,
le coût serait certainement énorme (quoique, par rapport à une dépollution suivie d’un démantèlement…) et la rentabilité très incertaine, mais ne serait-il pas possible de le transformer en musée comme l’INTREPID?
J’y avais pensé aussi comme un fantasme. Le Foch ou le Clemenceau transformé en navire musée au port de Toulon ou Marseille sur l’histoire de l’aéronautique française avec en point d’orgue sur le pont une collection d’avions embarqués : Aquilon, Étendard IV, Crusader, Alizé, Super Étendard, Rafale M01, Alouette III, Super Frelon, Fouga Zéphyr… Si jamais un milliardaire me lis sait on jamais…
C’est officiel le Foch va être coulé.
Je me rappelle qu’au début des années 2000, qu’il y avait eu un projet de couler l’ex porte-avions Clemenceau (sister-ship du Foch) au large de Marseille pour en faire un récif artificiel pour le corail et un haut-lieu de plongée … Mais l’idée fut très vite abandonnée.
Les US l’ont fait plusieurs fois, dépollution puis immersion à faible profondeur pour créer un récif artificiel servant de refuge à poisson et spot de plongée.
Avec un porte-avions ça aurait de la gueule.
Pourquoi pas en mer noir ? Ah non la place est déjà prise…
Je suis un peu étonné que Lula laisse faire ainsi
Mais je suppose que les partisans de cette solution doivent arguer que ce n’est qu’un navire de plus coulé parmi ceux coulés lors des guerres
C’est curieux que les brésiliens avaient gardé le mini-tremplin à l’avant du navire