L’histoire a souvent la fâcheuse tendance à se répéter comme tend à le prouver l’agression de la Russie en Ukraine. En réponse aux velléités expansionnistes de l’URSS, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) fut mise sur pied au printemps 1949. Rapidement, les alliés de l’Amérique du Nord accroissent leur présence militaire sur le continent européen. L’Aviation royale canadienne (ARC) va notamment déployer des escadrons de chasse en France et en Allemagne de l’Ouest. Il est également impératif d’accélérer la reconstruction des forces aériennes des pays alliés européens. Afin de former au plus vite les pilotes et navigateurs requis à cette fin, l’OTAN se tourne vers le Canada qui avait mis sur pied le colossal Programme d’entraînement aérien du Commonwealth durant la guerre. C’est ainsi que naît le Plan d’entraînement aérien de l’OTAN qui débute ses activités dès 1950 sous les auspices de l’ARC.
Entre 1950 et 1958, ce programme va former pas moins de 8500 aviateurs, soit 3200 canadiens et 5300 aspirants provenant d’autres pays de l’OTAN, notamment du Royaume-Uni, du Danemark, de la Norvège, des Pays-Bas, de la France, de l’Espagne, du Portugal, de la Turquie, de l’Allemagne de l’Ouest, de la Belgique, de la Grèce et de l’Italie. La formation initiale des élèves-pilotes débutait en Ontario à la base de London, puis de Centralia. Les étudiants s’y familiarisaient avec les aéronefs de l’ARC, les procédures de vol, la météorologie et la navigation de base. Ils volaient initialement sur des appareils DHC-1 Chipmunk, puis sur des avions Harvard.
Ceux sélectionnés pour piloter des avions multi-moteurs poursuivaient leur formation sur des appareils C-45 Expeditor et B-25 Mitchell désarmés. Ceux destinés à piloter des avions de chasse rejoignait l’école de pilotage avancée utilisant des Canadair CL-30 Silver Star (version canadienne du fameux Lockheed T-33). Les pilotes canadiens diplômés étaient par la suite affectés à une unité de formation opérationnelle de l’ARC pour finaliser leur formation. Les pilotes étrangers diplômés retournaient dans leur pays respectifs pour la suite de leur formation.
Afin de disposer des avions nécessaires à ce programme de formation et soutenir ses alliés, un véritable «effort de guerre» fut également consenti du côté industriel. Ainsi, à compter de 1951, l’entreprise Canadian Car & Foundry va fabriquer 555 exemplaires du CCF Harvard Mk.4. Canadair va de son côté assembler près de 660 appareils CL-30 Silver Star, dont plusieurs seront exportés vers la France, la Grèce, le Portugal et la Turquie.
À la fin du programme, le Canada a signé des accords bilatéraux avec divers pays, tant de l’OTAN que d’autres nations, qui n’étaient pas en mesure de former leurs propres recrues. Mentionnons le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Turquie, l’Allemagne de l’Ouest, la Malaisie, la Jamaïque et la Tanzanie. Au fil des ans, de nouveaux aéronefs ont pris la relève, tels les Beechcraft CT-134 Musketeer et Canadair CT-114 Tutor.
En 1992, l’entreprise québécoise Bombardier concluait un contrat avec l’ARC pour la formation de base de ses futurs pilotes, initiant ainsi une nouvelle ère de partenariat public/privé. Les CT-134 Musketeer furent subséquemment remplacés par des Slingsby CT-111 Firefly, puis par des Grob 120A.
En 1994, un conglomérat mené par Bombardier proposa un plan d’affaires au gouvernement canadien pour la mise sur pied d’une école internationale de formation avancée. Cette initiative mena à la mise sur pied du Programme d’entraînement en vol de l’OTAN en 1997. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas de former en urgence de nouveaux pilotes, mais plutôt de réduire les coûts de formation en partageant la facture avec d’autres pays intéressés. Au tournant du millénaire, deux nouveaux types d’aéronefs firent leur entrée dans ce programme, soit le Beechcraft CT-156 Harvard II et le BAE CT-155 Hawk. Ils revêtent tous deux la livrée bleu nuit caractéristique de ce programme. Sur la dérive des appareils apparaissent côte à côte la feuille d’érable et l’étoile atlantiste. Tous les aspects logistiques, incluant l’entretien des aéronefs, sont pris en charge par le secteur privé. Les instructeurs sont toutefois des militaires.
Au fil des ans, divers pays ont eu recours à ce programme, mentionnons le Danemark, la Hongrie, l’Italie, le Royaume-Uni, mais aussi d’autres nations non membres de l’OTAN, tels Singapour et les Émirats Arabes Unis. L’entreprise montréalaise CAE a pris la relève de Bombardier à compter de 2015 et l’actuel Programme d’entraînement en vol de l’OTAN prendra fin en 2027-2028. Un nouveau programme intégrant à la fois les formations de base et avancée fait actuellement l’objet d’un appel de propositions dont l’issue devrait être connue en 2023. Alors que la Guerre froide semblait révolue il y a quelques années encore, l’ours russe est sorti de sa léthargie et menace à nouveau les pays de l’Est libérés du joug de l’ancienne URSS. Le renforcement des forces aériennes de ces nouveaux alliés est donc d’actualité et ils pourront sans doute encore compter sur le Canada pour former leurs pilotes au besoin. Ironiquement, les provinces de l’Ouest canadien, où se déploie le Programme d’entraînement en vol de l’OTAN, est la région où s’est établie la plus grande concentration d’Ukrainiens ayant fuit l’Holodomor durant le règne de Staline.
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