Les mésaventures du porte-avions brésilien Sao Paulo, ex-Foch français.

Depuis quelques jours maintenant les médias français s’enflamment autour de l’ancien navire de la Marine Nationale. Ce mercredi 7 septembre 2022 le chantier naval turc d’Aliağa aurait dû entamer la déconstruction du porte-avions NAe Sao Paulo de la Marinha do Brasil. Sauf que le gouvernement turc refuse désormais le bâtiment de guerre car celui-ci n’a pas été dépollué et représente donc un danger élevé pour l’environnement. Triste fin pour celui qui fut le sister-ship du fameux Clemenceau.

Comme c’est souvent malheureusement le cas quand des médias généralistes parlent de défense c’est pour dire et écrire à peu près tout et surtout n’importe quoi. Rétablissons d’abord une vérité bafouée par trop de médias français depuis quelques jours : non la Turquie ne refuse pas l’entrée dans ses eaux au porte-avions français Foch. En effet celui-ci a cessé d’exister (sauf dans le cœur des femmes et des hommes qui ont servi dessus) le 15 novembre 2000. Soit il y a près de vingt-deux ans ! Ce jour là il a été officiellement transféré de la Marine Nationale à la Marinha do Brasil et a ainsi changé de nom. Le Foch n’était plus, le NAe Sao Paulo était né.

C’est donc à ce dernier que les autorités turques refusent l’entrée dans leurs eaux territoriales. Inutile donc d’y voir, comme une certaine presse sensationnaliste et polémiste a pu le dire, une perte de l’influence française en Méditerranée. La France n’a rien à voir dans cette histoire. Il s’agit en fait d’un problème entre le Brésil et la Turquie.
C’est la puissance régionale sud-américaine qui clairement a ici perdu de son prestige diplomatique. Et on pourrait dire qu’elle l’a bien cherché.

Pourtant le timing est vraiment très mauvais pour la Marinha do Brasil. En effet ce mardi 6 septembre 2022 alors que l’ancien porte-avions, désarmé le 14 février 2017, se trouvait au large des côtes marocaines l’ordre a été donné de le ramener au Brésil. Une tâche quand on sait que demain le pays va célébrer, en grande pompe, le bicentenaire de son indépendance.
Alors qui a tort du Brésil et de la Turquie dans l’affaire ?

Clairement c’est le Brésil. Quand il a chargé l’an dernier le chantier naval turc d’Aliağa, dans l’ouest du pays, de déconstruire le porte-avions il avait des obligations. Et selon les inspecteurs turcs qui ont eu accès au navire celles-ci n’ont pas été respectées. Et cela a été acté dès ce jeudi 4 août 2022 date à laquelle le navire a quitté la baie de Rio de Janeiro pour celui qui devait alors être son dernier voyage. Le NAe Sao Paulo était alors, et est toujours, tracté par le remorqueur hauturier Alp Centre.
Les obligations en question concernaient la dépollution du porte-avions afin de protéger l’environnement et de ne pas mettre en péril la santé des ouvriers turcs. Le NAe Sao Paulo renferme en effet en lui des dizaines de tonnes de produits dangereux dont certains sont hautement cancérogènes. Il y a notamment de l’amiante, du mercure, du plomb, et surtout du PCB. Ce dernier, aussi connu comme biphényle polychloré, est une véritable bombe à retardement pour l’environnement et la santé humaine. Pour cette dernière le PCB est considéré reprotoxique, ce qui implique qu’il perturbe les facultés reproductives des femmes et des hommes au niveau endocrinien. En outre le PCB favorise l’apparition des cancers du foie et du pancréas. Vous l’aurez compris c’est une belle saloperie !

Les avions d’attaque au sol Douglas A-4KU Skyhawk formaient l’épine dorsale de la chasse brésilienne à bord du NAe Sao Paulo de 2000 à 2017.

Donc oui les Brésiliens semblent bien avoir voulu y aller au flanc, se disant qu’une fois dans les eaux turques le navire ne pourrait plus faire machine arrière. Sauf qu’en Turquie la déconstruction des navires de fort tonnage est une spécialité reconnu. Or le NAe Sao Paulo est un navire construit durant la seconde moitié des années 1950, c’est à dire à une époque où les considérations d’écoresponsabilité et de santé publique n’étaient pas une priorité en France.
Une fois dépollué le porte-avions pourra sans doute revenir en Turquie, sauf si d’ici là le contrat est dénoncé. Le plus français des porte-avions brésiliens n’a donc pas fini de faire couler de l’encre.

Photos © Marinha do Brasil.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

9 Responses

  1. est ce que le fait que des matières dangereuses soient sur le navire peux être reproché a la France? même si il a été vendu il y a des années?
    sinon encore une histoire qui fait le buzz sur les divers réseau sociaux et autres sites d’informations plus ou moins sérieux
    quel dommage pour un tel navire

  2. Le risque est que le brésil le laisse pourrir dans une baie quelconque à l’abris des regards journalistiques. Il polluera tranquillement les eaux brésiliennes et grâce aux courants marins l’ensemble des mers.

    1. Comme le Clémenceau, l’ex Foch pose de nombreux problèmes. On dirait que ces porte-avions ne veulent pas mourir si facilement. Les américains ont pris moins de précautions avec l’USS Oriskany et USS America et Greenpeace n’avait pas bougé le petit doigt.

    1. On va essayer de ne pas trop tomber dans l’écolobashing qui fondamentalement est aussi bête et improductif que l’aérobashing.

    1. Bonsoir monsieur ou madame,
      Nous abordons le cas du Foch car c’est un marqueur fort dans l’histoire aéronavale française, et que c’est sous ce nom que ce porte-avions fut construit en France avant de devenir le NAe Sao Paulo brésilien que nous connaissons aujourd’hui. De ce fait j’avoue ne pas comprendre votre commentaire.

  3. Pour avoir servi à bord de R98 et R99, je suis attristé par le sort peu enviable de ce gentil géant qui fût on adresse dans les années 90, à la grande époque des Étendard
    IVP, F-8e fn modernisé des SEM et autres Alizés, pourvu que la fin de ce porte-avions soit à la hauteur de sa brillante carrière….

  4. Pour avoir visité le Yorktown à Charlestone, j’avoue que l’état n’était pas fameux non, plus, surtout celui du sous marin adjacent à la coque trouée.
    C’est par ailleurs un très beau musée!

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