Un avionneur construit et vend des avions, c’est même sa raison d’être, jusque là on est forcément toutes et tous d’accords. Sauf que dans la majorité des cas il assure également l’entretien technique des machines qu’il a construit, y compris dans le cas des aéronefs militaires. Hors en l’espace de quelques jours la société indienne HAL a annoncé que désormais elle assurerait l’intégralité de la maintenance des Sukhoi Su-30 Flanker-C de deux pays différents qui tournent donc le dos à Sukhoi. La liste pourrait s’allonger dans les prochaines semaines si la guerre contre l’Ukraine venait à se prolonger.
Les procédures techniques du chasseur multi-rôle vedette de Sukhoi sont bien connues des ingénieurs et techniciens de Hindustan Aircraft Limited. Jusqu’à très récemment en effet ils assuraient 75% de la maintenance lourde des plus de deux cent soixante-dix Su-30MKI en dotation dans l’Indian Air Force, les 25% restants étant à la charge d’une équipe de l’avionneur russe présente en Inde. Ça c’était avant ; avant la guerre !
Car depuis l’Inde a changé d’avis, un petit peu poussée par l’avionneur HAL justement. Ce dernier assurera donc désormais 100% de la maintenance des avions de combat de ce type.
Que HAL entretienne les avions de l’Indian Air Force après tout cela semble aller dans le sens le plus évident. Sauf que désormais le constructeur indien se tourne vers l’international. Et à la différence des soldats russes qui piétinent face à la résistance ukrainienne dans les affaires économiques tout va très vite. L’effet boule de neige du contrat de maintenance indien se fait déjà ressentir. Et en premier lieu en Afrique.
L’Ouganda a signé le vendredi 4 mars 2022 un accord visant à confier la maintenance de ses six Su-30MK2 à Hindustan Aircraft Limited. Le protocole prévoit que l’industriel indien assumera cette fonction au moins jusqu’en 2026 inclus. Une inconnue demeure cependant encore : on ignore si les Ougandais devront convoyer leurs avions jusqu’en Inde ou si HAL installera un atelier à Entebbe.
Indian Air Force et maintenant Ugandan Air Force, ça commence à faire beaucoup ! D’autant que trois autres pays sont sur la short-list de HAL. Trois pays clients du Sukhoi Su-30 Flanker-C et qui ont clairement montré leur désapprobation suite à l’invasion russe de l’Ukraine et à ses exactions. Trois pays qui ont en fait clairement condamné publiquement celles-ci. Trois pays qui pourraient donc très rapidement tomber dans l’escarcelle de Hindustan Aircraft Limited. Ces trois pays sont l’Indonésie, la Malaisie, et le Vietnam. On remarquera qu’ils sont tous les trois en Asie et dans la sphère d’influence que l’Inde se dessine depuis l’avènement du premier ministre Narendra Modi.
À eux trois ils représentent tout de même soixante-quatre Sukhoi Su-30 : onze Su-30MK2 pour les Indonésiens, dix-huit Su-30MKM pour les Malaisiens, et trente-cinq Su-30MK2 pour les Vietnamiens. À plus long terme HAL tablerait également sur l’Algérie et le Venezuela, deux fidèles alliés de la Russie qui ont pourtant eux aussi pris leurs distances avec Moscou depuis le début de la guerre.
L’adage le dit bien à propos de l’argent : «le nerf de la guerre». Or c’est aussi une guerre économique qui se joue autour de la Russie et de son invasion de l’Ukraine. Américains et Européens ont gelé les avoirs de dizaines d’oligarques russes proches du dictateur Vladimir Poutine et une centaine de multinationales a décidé de quitter la Russie, le géant américain de la restauration rapide McDonald’s ou celui français du luxe LVMH dans les premiers temps et plus récemment le constructeur automobile français Renault.
La démarche de HAL s’inscrit dans une logique très similaire si ce n’est qu’en plus l’industriel indien va profiter de ce conflit pour augmenter significativement son chiffre d’affaire sur le dos de son concurrent et pourtant partenaire russe Sukhoi.
Le monde des affaires est impitoyable.
Photos © Wikimédia Commons.
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10 Responses
En effet un aspect du conflit qui n’avait jusqu’à maintenant pas été évoqué. Heureusement que vous êtes là pour nous informer.
Merci pour vos excellents articles.
Que les Indiens aient les compétences pour entretenir ces avions, ça ne fait aucun doute. Mais quid des pièces détachées ?
Je suppose que Sukhoi ne fera pas le plaisir de fournir un concurrent qui piétine ses plates bandes. Les Indiens ont-il la possibilité technique / légale de fabriquer des pièces sur mesure ? Y compris pour des pièces de haute technologie comme certaines parties des réacteurs ?
Ou tablent-ils sur un stock de pièces (qui s’épuisera tôt ou tard) ?
Le journal Hindustan Times a annoncé que le contrat avec l’Indonésie serait signé début avril.
Mais Sukhoi fournirait alors toujours les pièces détachées ? Quid des moteurs?
Les SU-30MKI sont fabriqués sous licence en Inde. Donc ils ont les pièces. Pour le moteurs, aucune idée.
Encore une preuve que cette guerre en plus d’être intolérable est totalement contre productive. Mais tant que Poutine sera persuadé que l’Occident veut détruire la Russie il en sera ainsi.
L’ Algérie ne tournera jamais le dos à la Russie. Pour le meilleur où pour le pire.
C’ est question d’ honneur, la Russie est un allié stratégique de l’Algerie. Poutine à appeler le président Tebboune Cette semaine qui a accepté une visite à Moscou prochainement
Mettre honneur et Russie en 2022 dans la même phrase il n’y a que vous madame ou monsieur mimir pour oser cela. Et puis que vient faire l’honneur dans le marché des matériels de défense ? C’est avant tout une question de pragmatisme, enfin pour les grandes puissances.
Je pense qu’il y a certaine valeurs que l’occidental , issue d’une grande puissance , que vous êtes ne peut comprendre !
Bonsoir monsieur Zabano mon propos va être très simple : soit votre commentaire est aéronautique soit il est modéré sans aucune hésitation. Pour cette fois je laisse passer, mais ce sera la seule et unique fois.
Vous êtes prévenu pour la prochaine fois.