Ce mardi 12 octobre 2021 le Président de la République Emmanuel Macron présentait une politique de planification économique sur la décennie axée sur la réindustrialisation de la France. Autour de secteurs clés comme l’automobile, l’énergie, ou encore l’environnement l’aéronautique n’a pas été oubliée puisqu’elle se voit doté d’un peu plus de 13% de la somme globale. En effet quatre milliards d’euros seront alloués aux recherches aéronautiques avec comme axe centrale ce que le chef de l’État a appelé le «bas carbone». Il s’agit aussi pour lui de répondre aux inquiétudes d’un secteur industriel gravement touché par la crise sanitaire du Covid-19.
L’un des objectifs affichés par les principaux avionneurs mondiaux est d’atteindre d’ici 2050 l’aéronef «zéro carbone». En France Airbus Group, CFM International, Daher-Socata, Dassault Aviation, ou encore Safran sont à fond dans cette ligne politique. Ils sont notamment soutenus par les ingénieurs de l’ONERA, très en pointe sur cette question. Sauf que jusqu’à présent cet aéronef «zéro carbone» demeure purement théorique, et ce même si les aspects de la production d’avions, de drones, et d’hélicoptères ont fait de gros progrès dans la prévention du risque environnemental.
Malgré l’aéro-bashing, toujours très à la mode chez une frange de plus en plus réduite de la classe politique française, les entreprises du secteurs sont sans cesse plus écoresponsables. Pourtant développer, produire, et faire voler un aéronef demeure extrêmement préjudiciable en matière d’empreinte carbone. À un peu moins de trente ans de l’objectif «zéro carbone» presque tout reste donc à faire.
Et c’est là que l’heure et demi de discours macro-économique du Président de la République (promis celle-là je ne la ferais qu’une fois) prend son intérêt. Dans un pragmatisme très macronien, exempt de toute idéologie, le chef de l’État a insisté sur le fait que quatre des trente milliards d’euros du plan France 2030 iraient à l’industrie aéronautique à qui il faut redonner de la confiance au lendemain d’une crise du Covid-19 qui a vu de nombreux ingénieurs et techniciens décider de changer de carrières.
Sauf qu’on ne refera pas Emmanuel Macron, et que chez lui le naturel revient très vite au galop. On pouvait s’attendre à ce qu’il exige que cette considérable aide publique sur dix ans soit liée uniquement à l’aéronef «zéro carbone». Eh bien non. Il n’est en fait pas tomber dans ce piège souvent tendu par les idéologues d’une écologie punitive qui n’y connaissent souvent pas grand-chose aux réalités industrielles de l’aéronautique française et européenne. Quoi que l’on pense de lui Emmanuel Macron est avant tout un économiste pragmatique. C’est pourquoi il a préféré parler d’un aéronef «bas carbone».
En sommes il alloue quatre milliards d’euros d’aide publique à la recherche industrielle aéronautique en mettant une pression légère et modérée à la dite industrie. Emmanuel Macron fait de l’Emmanuel Macron, ce n’est pas révolutionnaire, même pas réformateur, c’est juste pragmatique. Or on aurait aimé qu’il soit plus offensif sur la question de la décarbonation de l’industrie aéronautique. On aurait aimé qu’il nous dise qu’il veut des résultats chiffrés à mi-décennie sur les questions de l’ingénierie pure, sur celles de la motorisation, ou bien sur celles des carburants. Mais non, définitivement on ne refera pas Emmanuel Macron.
Bien entendu en 2030 on ne s’attend pas à ce que Airbus Helicopters nous ai sorti une voilure tournante décarbonée à un haut niveau ou que Dassault Aviation et Safran aient pondu un jet d’affaire totalement propre. Non. Par contre que ces mêmes industriels aient permis de donner à la France, et donc à l’Union Européenne, un rôle pivot dans l’aéronautique «bas carbone» alors là oui ! Reste à savoir jusqu’à quel point les pouvoir publiques sauront contrôler les fonds alloués tout en laissant assez de libertés aux ingénieurs pour développer leurs programmes décarbonés.
L’idée de cet article n’est pas d’encenser ou de critiquer Emmanuel Macron, certains médias le font très bien : c’est leurs rôles respectifs. Non c’est avant tout de vous parler de l’aspect aéronautique de ce France 2030 et de ses un peu plus de 13% alloués à la seule industrie aéronautique. C’est aussi de rappeler aux plus radicaux de nos amis écologistes que l’industrie aéronautique n’est pas un terrible ogre qui ne cherche qu’à massacrer notre environnement. Un avion, un drone, ou encore un hélicoptère ça vole dans le ciel, ça a donc besoin d’un environnement le plus sain possible pour évoluer. Et cette industrie aéronautique a toujours su être écoresponsable, bien avant qu’on le lui demande. Il suffit de comparer l’empreinte carbone par passager d’un vol Paris-New York entre un Douglas DC-8 des années 1960, un Boeing 747 des années 1980, et un Airbus A330 Neo actuel. Entre le premier et le troisième la réduction dépasse les 450% et 300% entre le deuxième et le troisième.
Oui l’aéronautique sait être moins sale, et avec les quatre milliards de France 2030 espérons qu’elle saura être parfaitement propre.
Illustration © Dassault Aviation
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11 Responses
Merci pour les chiffres. Comparer est le premier réflexe.
Très bon article et analyse objective de l’intervention du Président sur ce sujet clé. Merci.
Effectivement, beaucoup de pragmatisme et de connaissance du sujet de la part d’Emmanuel Macron, qui arrive à éviter l’écueil des discours politiques populaires stériles.
La baisse de consommation évoquée à la fin de l’article n’a jamais été motivée par la baisse d’émissions de CO2.
D’autre part, il s’agit là d’efficacité énergétique. Hors m, malheureusement, son corollaire s’appelle Effet rebond.
Donc, ce qui compte c’est bien l’intégrale des émissions du secteur aéronautique, et de tout autre secteur, et non pas la consommation unitaire de tel ou tel type d’aéronefs.
Pour Creuse la notion de bilan carbone, YouTube Jancovici cours des Mines.
Cordialement
Jean-Marc Jancovici est le père du concept de « bilan carbone » très à la mode depuis une quinzaine d’années et qu’il a développé lorsqu’il œuvrait pour l’ADEME. Après votre vision de la baisse d’émission CO² a quelques années de retard, mais ça vous regarde.
Cordialement.
Je n’ai pas trop bossé le sujet de l’avion à hydrogène, mais quand on se souvient du Hindenburg d’une part, et quand d’autre part on voit qu’il faut déjà 36 autorisations pour embarquer une batterie au lithium dans la soute d’un avion, j’ai du mal à comprendre comment tout ça va s’organiser niveau sécurité…
Sur la question du confinement de l’hydrogène quelques progrès ont été réalisés depuis les catastrophes du Hindenburg et de Challenger. D’ailleurs il suffit de voir qu’aujourd’hui un peu plus de 500 taxis roulent dans Paris à l’hydrogène pour se rendre compte que cela ne pose plus vraiment de question. Pour info ce sont les fameux taxis « Hype » avec leur décoration en forme de nuages.
Certes. Mais j’ai tendance à être moins inquiet sur les conséquences d’un accident sur un véhicule terrestre que sur un avion à 30,000 pieds.
Mais je ne demande qu’à être convaincu (ce qui nécessiterait que je bosse un peu le sujet, je l’admets…).
En terme de sécurité, les batteries au lithium en soute des passagers n’a rien à voir avec de l’hydrogène faisant partie intégrante d’un éventuel futur avion: les normes des appareils domestiques et autre électronique grand public n’ont rien à voir avec celles de l’aéronautique. C’est ça la différence.
Le problème de l’hydrogène n’est pas son inflammabilité. Ce n’est pas pas plus dangereux que du pétrole et en fait ça l’est moins car l’hydrogène s’échappe plus vite. Exemple sur un crash d’un avion au décollage, donc plein de carburant, ce dernier va s’étaler au sol, tout autour de l’avion. S’il s’enflamme les éventuels survivants n’auront aucune chance d’en échapper (exemple: crash du concorde). Alors que si des réservoirs d’hydrogène lâchent, la nature extrêmement volatile et légère de celui-ci va faire que l’hydrogène va s’échapper dans les air et monter rapidement en altitude.
Le problème de l’hydrogène est énergétique et industriel.
Explications dans un autre message plus tard.
Avant crise covid, nous étions en réduction budgétaire dans presque tout les ministères et le président Macron disait lui même qu’il n’existe pas d’argent magique. Et aujourd’hui que la France est endetté comme jamais elle l’a été ça sort le chéquier à coup de milliards pour presque tout. Je sais bien que nous sommes à 6 mois des élections présidentielles mais ça y ressemble vraiment, à de l’argent magique. La dette quoi.
Comment une réduction peut être supérieure à 100% ? Une augmentation oui mais une réduction supérieure à 100% voudrait dire que l’empreinte carbone passe dans le négatif, que votre A330NEO est totalement propre. Un planeur qui produit de l’énergie.
Depuis de très nombreuses années les constructeurs d’avions sollicitent les constructeurs de moteurs et de nacelles de faire en sorte que chaque nouvelle génération d’avion soit moins polluant et moins bruyant.
On parle de plus en plus d’avion à hydrogène pour dans 10ans mais il y a beaucoup beaucoup de difficultés techniques à résoudre. A savoir, conserver l’hydrogène liquide cela exige des réservoirs très lourds et toute la tuyauterie et le système de pompes devant résister au froid intense afin d’ acheminer le carburant au réacteur qui sera légèrement modifié. Dans les années 1980-90, les Russes avaient fait un essai sur 1 avion en mixant 1 moteur avec carbureacteur et 1 moteur modifié pour y injecter de l’hydrogène. Ils avaient mis presque 2 ans à régler les problèmes de fuites.
Ne faudrait-il pas déjà voir plus loin et penser structurellement à un nouvel avion adapté à la pile à combustible?
Les écologistes de tout poil crient sur l’avion mais on ne les entend guère sur les bateaux qui polluent (fuel lourd) n fois plus. Chercher l’erreur????
« Ne faudrait-il pas déjà voir plus loin et penser structurellement à un nouvel avion adapté à la pile à combustible? »
Ceci concerne uniquement la propulsion par hélices
Pour les hautes vitesses, hauts subsoniques et au delà, il faut une propulsion par réaction que l’électricité ne peut fournir, à moins de pouvoir chauffer rapidement de l’air comprimé pour atteindre des pressions similaires à celles dans une chambre de combustion