En 10 ans le Boeing 747-8I Intercontinental s’est transformé en flop.

Comme quoi un avion de ligne légendaire peut assez mal finir sa carrière, et il n’est pas ici question du Boeing 737 ! Pourtant c’est bien le célèbre avionneur américain qui est concerné au travers de son 747-8I Intercontinental, l’héritier du mythique Jumbo Jet. Depuis le premier vol de son prototype en mars 2011 moins de cinquante exemplaires ont été vendus, dont deux qui auront la charge de remplacer les actuels VC-25A de l’US Air Force. Retour sur un échec commercial flagrant.

Quand le dimanche 20 mars 2011 le prototype du Boeing 747-8I Intercontinental réalise son premier vol le monde n’a pas vraiment les yeux rivés sur lui. Neuf jours plus tôt le Japon a connu le pire accident industriel de son histoire avec l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima suite à un tsunami. Autant dire que pas grand monde ne se soucie du faux nouvel avion de ligne américain. Faux car ce 747-8I n’est jamais qu’une version améliorée du 747-400 en service depuis 1989.

En fait le 747-8I en a surpris plus d’un quand son programme fut lancé en 2005. L’échec d’ingénierie une dizaine d’années plus tôt du 747X qui aurait du déboucher sur les 747-500 et 747-600 semblait bien avoir sonné le glas du Jumbo Jet. Mais c’était compté sans la guerre commerciale Airbus Vs Boeing. Et sur ce coup là l’avionneur européen avait sorti sa grosse artillerie : le quadriréacteur double-pont A380.

Les indicateurs étaient alors au vert pour l’avion gros-porteur européen. Les experts aéronautiques de tous poils lui prédisaient une carrière formidable, assurant le remplacement à la fois des Airbus A340 mais également des Boeing 747 et même sans doute des plus anciens 777. Boeing devait riposter. Et l’avionneur le fit dans une précipitation certaine. Pourtant ses ingénieurs eurent un trait de génie : le futur 747-8 serait proposé en version fret et en version passagers. Ça allait relativement sauver le programme mais aussi d’une certaine manière le tuer sur le marché des compagnies aériennes.

Car le prototype du 747-8F cargo vola plus d’un an avant celui du 747-8I de ligne, en février 2010. Et de nombreuses compagnies aériennes se firent présenter le nouvel avion gros porteur sous la forme d’un appareil de fret. Pas la meilleure des idées quand on veut proposer une machine haut de gamme. Le résultat ne se fit pas attendre : Airbus rafla avec son A380 des marchés qui auraient du tomber dans l’escarcelle de Boeing. Des clients fidèles comme Air France, British Airways, ou encore Qantas lui tournèrent le dos, refusant ce nouveau Jumbo Jet.

Quelques années plus tard quand le marché des très-gros-porteurs s’est effondré et qu’Airbus a annoncé la mort dans l’âme la fin de l’A380 beaucoup s’attendaient à une initiative similaire de la part de Boeing. Deux ans après la décision européenne le 747-8I Intercontinental est toujours proposé à la vente.

Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’en dix ans les clients ne se sont pas bousculés au portillon. Trois compagnies aériennes seulement en ont fait l’acquisition : Air China, Korean Air, et Lufthansa pour respectivement sept, dix, et dix-neuf avions. Dix autres machines ont été achetées pour servir d’avions de transport très haut de gamme en configuration affaire. Le Pentagone enfin a tenté le coup de pouce en commandant deux machines qui devraient bientôt entrer en service sous la désignation de Boeing VC-25B. Ils seront les nouveaux Air Force One.
Quarante-huit avions vendus en dix ans d’existence, on peut vraiment parler de flop quand on pense qu’il s’agit là de Boeing.

Le prototype du 747-8I Intercontinental.

Alors pourquoi un tel échec ? Comme l’A380 le 747-8I est arrivé sur un marché qui ne lui était plus du tout acquis. La pression écologiste fait que les passagers veulent désormais voler dans des avions à taille humaine, avec une empreinte carbone réduite au maximum. Les compagnies aériennes s’adaptent, c’est l’ère des Airbus A350 et Boeing 787 Dreamliner. Si vraiment elles veulent du gros-porteur les A330-900 et 777 font parfaitement l’affaire. Le Jumbo Jet est devenu has-been.
Jusqu’à quand alors le 747-8I Intercontinental sera t-il au catalogue de Boeing ? Selon plusieurs spécialistes américains son retrait pourrait intervenir très rapidement. La crise sanitaire pandémique pourrait accélérer la décision. Quoiqu’il en soit aucune chance de réellement relancer sa carrière et d’inverser la tendance. Plus personne ne veut voir des passagers agglutinés dans des avions de ligne sans âme.

Pour autant il n’est pas impossible que si le 747-8I s’arrête le 747-8F se poursuive, car lui se vend plutôt bien sur son marché de niche. Mais là c’est une autre histoire…

Photos © Boeing.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

6 Responses

  1. Par contre les versions fret, 747-4F et 747-8F, sont des gros succès. On en voit énormément sur Flightradar24 opérés par UPS, Cathay cargo, Airbridge, Cargolux, Atlas air… Tout comme le 777F. Sur les flottes cargo Airbus est vraiment à la traîne avec seulement quelques A330-200F et A300B4-F opéré essentiellement par DHL.

    1. C’est surtout le 777F qui semble avoir un bel avenir, car avec une centaine de tonnes possible à la charge, et une soute presque aussi large qu’un 747, le tout avec 2 réacteur seulement, il semble tout particulièrement intéressant au niveau de l’exploitation.
      Par contre, je ne vois pas un avenir très florissant pour le 777X , qui lui aussi sera en surcapacité pour le transport passagers, et qui semble bien trop cher pour être transformé en freighter….

  2. Bonjour,
    Sauf erreur de ma part c’est les deux versions fret et passagers qui ont été arrêtés par boeing.

  3. Je suis un gros fan de ce site, de son modérateur etc…

    Mais je n’ai jamais, jamais rencontré un passager qui préfère monter dans un avion à la place d’un autre pour des problématiques de d’écologie ou d’empreinte carbone. Que les compagnies soient très très très sensibles à la conso des avions par pax oui; que les passagers cherchent les billets les moins chers aussi et surtout. Mais je doute très fortement que la conscience écologique des passagers (et les décisions prises au nom de cette conscience) ait une quelconque influence sur la carrière d’un modèle d’avion.

  4. Bon, les ricains se sont cassé la g… avec une des deux versions, mais la version cargo a su percer. Me vient une question, et si Airbus avait lancé l’A-380 F comme c’était prévu au début du programme, aurai t-il connu un meilleur sort que celui qu’il a eu ? Mal au cœur brrrr !

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