La monarchie britannique est sans doute la plus connue au monde. Les membres de la famille royale sont épiés par les paparazzi au même titre que les plus grandes vedettes de cinéma. Les grandeurs et misères de la couronne britannique ont d’ailleurs été maintes fois portés tant au grand qu’au petit écran, dont l’actuelle série télévisée The Crown. Les lecteurs des tabloïds britanniques se délectent de la moindre incartade des royaux. À l’inverse, les fidèles monarchistes traitent avec déférence cette institution qui symbolise la nostalgie de l’époque révolue de l’Empire britannique. Malgré le souhait exprimé par certains de se départir de ce reliquat, il n’en demeure pas moins que la reine (ou le roi) est officiellement le chef de l’État dans une monarchie constitutionnelle. À cet égard, les monarques britanniques et leur proche famille bénéficient d’une protection rapprochée ainsi que de moyens de transport dédiés. Aux yachts et trains royaux s’est ajouté un moyen de transport révolutionnaire au vingtième siècle, soit l’aéronef. Retracer l’histoire de l’évolution du transport aérien consacré à la famille royale est l’occasion d’évoquer l’âge d’or de l’industrie aéronautique britannique.
Le premier à s’intéresser à ce nouveau moyen de transport fut le Prince de Galles et futur roi Édouard VIII. Le premier vol confirmé d’un membre de la famille royale fut effectué par le jeune Édouard en 1918 alors qu’il visitait le front italien. Embarqué à la place du mitrailleur sur un Bristol F.2B Fighter, le pilote n’était nul autre que le célèbre héros de guerre canadien William George Barker. Horrifié à l’idée que son successeur prenne de tels risques, le roi Georges V interdit au prince de reprendre les airs. Une passion venait tout de même de germer.
À force d’insister, le Prince de Galles recommença à voler dans les années 1920. En 1928, la Royal Air Force (RAF) recevait les premiers avions dédiés à la famille royale, soit deux appareils Westland Wapiti. Sur ses fonds propres, le prince Édouard fit l’acquisition en 1929 d’un biplan de Havilland D.H.60 Gipsy Moth sur lequel il apprit à piloter sous la supervision d’un pilote chevronné de la RAF.
Afin d’assouvir sa passion, le prince Édouard posséda au fil des ans une douzaine d’autres avions, dont quatre D.H.80 Puss Moth, un D.H.83 Fox Moth, un D.H.84 Dragon, plusieurs D.H.89 Dragon Rapide et un Vickers Viastra X. Bien que le Prince pilotait fréquemment ses avions, il avait également un pilote militaire à son service. Officieusement surnommée Royal Flight, la plupart des avions de la flotte princière arboraient une flamboyante livrée rouge et bleue. Subsiste aujourd’hui le D.H.83 Fox Moth du prince Édouard. Restauré et en parfait état de vol, l’appareil fait partie de la collection d’Ailes d’époque du Canada.
Quand le prince devint le roi Édouard VIII en 1936, il fonda le King’s Flight officiellement dédié au transport de la famille royale. Lorsqu’il abdiqua une dizaine de mois plus tard, son frère cadet devenu le roi Georges VI décida de maintenir le King’s Flight. Un bimoteur Airspeed Envoy fut toutefois acquis avec des fonds publics afin de remplacer les avions appartenant encore à Édouard.
Durant la guerre, pour des raisons de sécurité, les membres de la famille royale volaient plutôt à bord d’avions de la RAF dédiés au transport VIP, soit sur Lockheed Hudson ou D.H.95 Flamingo. Le King’s Flight fut réactivé en 1946 avec l’acquisition de quatre Vickers Viking.
Les premières voilures tournantes au service du King’s Flight remontent à 1947. Des hélicoptères Sikorsky R-4 Hoverfly assuraient alors la livraison du courrier au château Balmoral lors des séjours de la famille royale en Écosse. Suite au couronnement de la reine Élisabeth II, le Queen’s Flight se dota d’un Westland WS.51 Dragonfly à cette fin. Beaucoup plus adapté au transport VIP, les premiers Westand Whirlwind entrèrent en service du Queen’s Flight en 1959.
Les Vickers Viking du Queen’s Flight furent remplacés par des quadrimoteurs de Havilland D.H.114 Heron à compter de 1955. La couleur écarlate des appareils Heron fit place à une livrée un peu moins voyante lorsque les Hawker-Siddeley HS-748 prirent la relève à leur tour en 1964.
Les hélicoptères Westland Wessex qui remplacèrent les Whirlwind du Queen’s Flight à compter de 1969 conservèrent toutefois la livrée écarlate de leurs prédécesseurs. Après plus d’une vingtaine d’années sous les couleurs du Queen’s Flight, les appareils HS-748 furent retirés du service à compter de 1986 au profit de quadriréacteurs British Aerospace BAe146.
On remarque que aucun avion long courrier ne fut jamais acquis pour le transport royal. Les aéronefs royaux accomplissaient essentiellement des vols régionaux dans le territoire du Royaume-Uni. Pour les voyages officiels à l’étranger, la famille royale recourt habituellement soit à des appareils militaires de transport VIP de la RAF et des pays de Commonwealth visités, ou au nolisement d’avions de ligne de British Airways (née en 1974 de la fusion de BOAC et de BEA). Durant son règne, la reine Élisabeth II est ainsi passée du Canadair C-4 Argonaut, au Boeing 377 Stratocruiser, au Bristol Britannia, au D.H.160 Comet, au Vickers VC-10 et même au fameux supersonique Concorde franco-britannique sur lequel elle a volé pour une première fois en 1977.
Depuis 1995, il n’existe plus d’entité exclusivement dédiée au transport aérien de la famille royale britannique. Le 1 avril 1995, le Queen’s Flight fut fusionné au No.32 Squadron de la RAF. Quelques appareils Bae146 y conservèrent leur livrée royale qui fut également appliquée à quelques bizjets Hawker-Siddeley HS.125 déjà en dotation dans cet escadron. N’étant pas au service exclusif de sa Majesté, les aéronefs du No.32 Squadron sont affectés en priorité aux besoins militaires. Aussi, ils assument le transport VIP des membres du gouvernement britannique. Au surplus, les derniers hélicoptères Wessex du défunt Queen’s Flight furent retirés du service en 1998 et du coup le No.32 Squadron cessa d’offrir du transport héliporté à la famille royale. Finalement, la livrée royale caractérisée par les ailes et l’empennage rouges, disparut en 2004 au profit de couleurs plus sobres en réponse aux menaces terroristes.
Du prestigieux Queen’s Flight, ne subsiste plus qu’un unique hélicoptère de location Sikorsky S-76 relevant du palais royal. On est bien loin de l’époque fastueuse de la monarchie dont la pertinence est aujourd’hui régulièrement remise en cause dans les pays du Commonwealth, quand ce n’est pas directement au Royaume-Uni. Pour se rapprocher du peuple, certains membres de la famille royale optent même pour des transporteurs à bas coût comme Ryanair pour leurs déplacements personnels. Les monarchistes nostalgiques doivent bien s’étouffer avec leur thé à cette vue !
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3 Responses
Un super article Marcel. L’hyper anglophile que je suis ne pouvait qu’adorer. C’est un joli cadeau de fêtes de fin d’année.
Merci pour cet article très intéressant.
Quelle tristesse de perdre ses rouges chatoillants des avions royaux .
God save the Queen .
Superbe article au même titre que ceux que vous nous avez habitué à faire lecture, bref contenus original comme toujours, article élaboré fort intéressant et bien sûr fidèle à l’habitude d’être agrémenté de superbe photo.
P.s. Le Fox Moth est tout à fait sublime, un petit détour question d’aller l’admirer est presque tentent !