Le 16 juillet 1926, un hydravion à coque Curtiss HS-2L de la Dominion Aerial Exploration Company quitte Sept-Îles avec à son bord deux arpenteurs, un mécanicien et le pilote. Ils ont pour mission de préciser le tracé de la frontière entre le Québec et le Labrador, (qui fait encore aujourd’hui l’objet de litige). En tentant de poser son hydravion, le pilote évalue mal son altitude au-dessus d’un plan d’eau qui est un véritable miroir dû à l’absence de vent. L’hydravion percute violemment la surface du lac et sa coque prend l’eau. Ses occupants regagnent la rive à la nage alors que l’appareil disparaît sous les eaux. Les survivants, dont seul le mécanicien souffre de fractures, construisent un abri de fortune, entretiennent un feu de camp et se nourrissent de petits fruits sauvages, de grenouilles et de lièvres. Six jours plus tard, la fumée du feu guide les sauveteurs vers les rescapés.
Près de cent ans plus tard, l’historien et chasseur d’épaves Samuel Côté s’intéresse à cette histoire dans le cadre du tournage d’un documentaire. En fouillant dans les archives d’époque, il retrace le lac où s’est produit l’accident. La tradition orale des pilotes de brousse de ce coin de pays confirme qu’il s’agit bien du lac à l’Eau dorée situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Sept-îles. Des recherches effectuées il y a quelques semaines ont permis de repérer l’épave à dix-huit mètres de profondeur grâce à un sonar. Surpris du bon état de conservation de l’appareil, les plongeurs ont pu l’identifier sans équivoque grâce à son immatriculation G-CACS encore très visible sur le fuselage. La nouvelle a récemment filtrée vers les médias et seules quelques photographies partielles ont été dévoilées afin de maintenir l’intérêt pour le documentaire devant être diffusé en 2021.
Pourtant construit à plus de 1000 exemplaires, un seul autre Curtiss HS-2L au monde peut être observé de nos jours. Soigneusement restauré, il est exposé au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. L’importance de cette découverte tient donc à la grande rareté de cet hydravion de lutte anti-sous-marine et pionnier de l’aviation de brousse au Canada. Certains parlent déjà de renflouer l’épave. Une telle opération s’avère toutefois compliquée car le lac n’est accessible que par hydravion. Une telle opération risque de surcroît d’endommager les restes fragiles de l’appareil conservés par les eaux froides durant 94 ans.
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3 Responses
Encore une fois un super article Marcel, passionnant !
C’est rigolo les différences linguistiques d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique nord. Tu parles d’arpenteurs quand ici j’aurai employé le terme de géomètres. Comme quoi le Français a évolué différemment suivant qu’on soit en Amérique du nord ou en Europe occidentale. C’est aussi sa richesse.
À l’époque on utilisait le terme arpenteur. Aujourd’hui on utilise plutôt la désignation arpenteur-géomètre au Québec. Lorsque je voyage en France, je suis toujours étonné par les différences linguistiques d’une région à l’autre, sans parler des savoureux accents. Dans certaines régions j’y entend même des mots et expressions que je croyais spécifiques au Québec. Comme toute langue internationale vivante, le français s’imprègne des terroirs où elle est couramment utilisée, mais aussi des courants migratoires passés et présents. C’est ce qui fait tout son intérêt !
Merci pour cette belle histoire Marcel.