La région de la Haute-Mauricie au Québec est un paradis pour les amateurs de canot-camping, de pêche, de chasse et d’avions de brousse. Bien peu savent que cette région sauvage fut également à l’avant-scène du dispositif de protection aérienne de l’Amérique du Nord au début de la Guerre froide. Complétée en 1954, la station radar de Parent s’inscrivait dans le du réseau de la ligne Pinetree s’échelonnant le long du 49ème parallèle au Canada. À une cinquantaine de kilomètres plus à l’Est, l’aérodrome militaire de Casey fut construit entre 1952 et 1953. Ces deux installation furent toutefois abandonnées dès 1964 au profit d’autres situées plus au Nord.
Conçu comme un aérodrome d’urgence pour les bombardiers américains et avions de chasse canadiens, la piste principale de Casey fut aménagée de façon à pouvoir accueillir les imposants Boeing B-52 Stratofortress. Pour un temps, il fut envisagé d’y stationner des unités de chasse de l’Aviation royale canadienne, mais celles-ci furent plutôt déployées à Bagotville et Val d’Or. Avec une surface bétonnée d’un mètre d’épaisseur et d’une longueur de 2,5 kilomètres, la piste de Casey était idéale pour la conversion vers un aéroport civil mais, construite au milieu de nulle part, elle fut abandonnée et les bâtiments démolis.
- Tour de contrôle de Casey
Dans le cadre d’une campagne d’épandage aérien d’insecticides afin de combattre une infestation de ravageurs forestiers au début des années 1970, la piste de Casey fut brièvement réutilisée. Un drame s’y est d’ailleurs produit en juin 1973 lorsque le Lockheed Super Constellation N173W chargé à bloc de carburant et d’insecticide s’écrasa lors du décollage, tuant sur le coup ses trois membres d’équipage.
Sortant de l’oubli, la piste de Casey attira de nouveau l’attention des médias en novembre 1992. Le pilote québécois Jean Raymond Boulanger accéda à la notoriété publique lorsque, menottes aux poignets, il fit un clin d’œil narquois aux journalistes. Surnommé le Cowboy, ce téméraire et talentueux pilote parti de Colombie avait réussi à déjouer la DEA américaine et deux CF-188 Hornet canadiens lancés à sa poursuite. Il posa son appareil Convair 580 chargé de 4 tonnes de cocaïne sur la piste abandonnée de Casey où des complices de la mafia devaient prendre livraison de la cargaison et évacuer l’équipage de l’avion. Ce fut plutôt la plus grande saisie de cocaïne jamais effectuée par la police au Canada.
Replongée dans l’oubli, hormis pour quelques pilotes amateurs, la piste de Casey est redécouverte par un nombre croissant d’aérophiles depuis 2012, année du premier Rendez-vous aérien (RVA) de Casey. Ce RVA de nature plutôt informelle organisé par des bénévoles convie les pilotes amateurs à une activité annuelle assez originale, soit de l’aéro-camping sur un mystérieux vestige de la Guerre froide. Au menu: camping sauvage, baignade dans la rivière, feux de camp et franche camaraderie. Au fil des ans, le nombre de participants n’a cessé de croître pour atteindre en 2019 un record de 136 aéronefs qui se sont posés sur la piste de Casey ou la rivière Ruban toute proche. Les participants de cette édition ont même eu droit à un invité spécial, soit Jean Raymond «Cowboy» Boulanger qui a retrouvé sa pleine liberté en février 2019.
Ce RVA attire également sont lot de curieux et de «spotters» désireux de photographier avions de brousse et de tourisme, dont certains appareils de collection. Il faut être déterminé pour s’y rendre par voie terrestre puisque c’est à 450 bornes au nord-est de Montréal, dont les derniers 150 kilomètres sur une route forestière non-pavée. La plus proche localité est la communauté amérindienne de Wemotaci. La piste de Casey est étonnamment en bon état malgré son âge et la rigueur des hivers québécois. Aussi, pas de souci pour la menace soviétique puisque le seul aéronef russe qui ait jamais réussi à s’approcher de la piste de Casey est un Antonov An-2 immatriculé au Québec. Plutôt que de l’ours russe, il faut davantage se méfier des ours noirs assez abondants dans ce coin de pays.
La pandémie du COVID 19 ayant connu une accalmie au Canada durant l’été 2020, la huitième édition annuelle du Casey Aero Camping s’est déroulée du 4 au 6 septembre dernier. Malgré une météo peu clémente caractérisée par des épisodes de pluie, de grêle et de forts vents, l’événement a attiré une centaine d’aéronefs avec leurs pilotes et passagers épris de nature sauvage et de liberté de voler.
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