En cette période de canicule, je vous propose un sujet rafraîchissant, soit l’observation des glaces et des icebergs. Le meilleur endroit au monde pour admirer de près des icebergs est sans doute Terre-Neuve. Chaque année, d’avril à août, la saison des icebergs attire son lot de touristes sur cette grande île canadienne. Les Terre-neuviens profitent également de la proximité de ces géants des mers pour en repêcher des fragments dont l’eau de fonte d’une grande pureté entre dans la fabrication locale d’une vodka ainsi que d’une bière que j’ai eu la chance de déguster lors d’un séjour sur l’île.

C’est également lors de la saison des icebergs que l’US Coast Guard (USCG) déploie des moyens aériens à Terre-Neuve pour effectuer l’International Ice Patrol (IIP). Car malgré leur beauté, les icebergs constituent un grave risque pour la navigation. Tous connaissent le drame du Titanic qui remonte à 1912, mais une quinzaine de navires avaient connu un sort similaire auparavant. C’était sans compter la centaine de navires endommagés par des icebergs, en plus des nombreux bateaux de pêche disparus dans le brouillard des Grands Bancs de Terre-Neuve.

L’émoi international soulevé par la tragédie du Titanic est à l’origine de l’IIP mis sur pied en 1914 par la douzaine de nations actives dans la navigation transatlantique. Parmi les pays contribuant toujours à l’IIP, mentionnons le Canada, la France, la Belgique, Le Royaume-Uni et bien évidemment les États-Unis. Dès sa création en 1915, l’USCG fut chargé de la coordination de l’IIP surveillant la progression des centaines d’icebergs dérivant en haute mer grâce à ses propres navires et aux signalements provenant des autres bateaux naviguant dans ces eaux dangereuses. Ce n’est qu’à compter de 1946 que l’IIP se dota de moyens aériens. Convertis en avions de patrouille maritime, des bombardiers à long rayon d’action, tels le Boeing B-17 et le Consolidated B-24, furent versés à l’USCG qui les utilisa pour l’lIP jusqu’à la fin des années 1950. En 1959 les appareils Douglas R5D prirent la relève pour l’IIP, jusqu’en 1962 avec l’avènement du C-130 Hercules.

Boeing B-17
Consolidated B-24
Douglas R5D

De nos jours, l’USCG déploie annuellement des appareils HC-130J Super Hercules vers l’aéroport de St- John’s à Terre-Neuve idéalement situé pour les patrouilles aériennes de l’IIP. Ce déploiement est facilité grâce à l’unité de réserve de l’Aviation royale canadienne (ARC) qui offre le support logistique au sol.

La contribution du Canada à l’IIP va toutefois bien au-delà. Le Canada et les États-Unis coopèrent étroitement au sein du North American Ice Service, une structure commune d’échange d’information et de coordination qui s’intéresse également aux glaces côtières qui encerclent la partie nord du continent une bonne partie de l’année. Avec le lancement du satellite canadien Radarsat 1 en 1995, une nouvelle ère de coopération s’ouvrait avec avec l’imagerie radar à haute résolution pouvant opérer tant de nuit que de jour et «voir» au travers des nuages et du brouillard fréquents dans ces zones. L’efficacité de ce moyen de télédétection n’a cessé de croître depuis, avec le lancement de Radarsat 2 en 2007, puis de la constellation de trois satellites Radarsat 3 en 2019. Malgré l’évolution de ces puissants moyens de télédétection, l’utilité des patrouilles aériennes demeure afin de préciser certaines observations. Elles sont toutefois grandement optimisées grâce aux satellites.

Le Canada a également recours aux patrouilles aériennes dans les années 1940 pour la surveillance des icebergs et des glaces dans le golfe du Saint-Laurent afin d’assurer le passage des convois essentiels à l’effort de guerre sur le front européen. Cette tâche assurée par l’Aviation royale canadienne (ARC) se poursuivit après-guerre, notamment avec des bombardiers Lancaster Mk 10 convertis en avions de patrouille maritime. Le long rayon d’action de ces avions s’avéra particulièrement utile lors de l’implantation des stations radar du NORAD dans le grand nord. La courte saison de navigation dans les eaux arctiques est particulièrement difficile dû aux étendues de glaces dérivant au gré des vents et courants. À compter de 1958, la responsabilité de la surveillance des glaces dans les voies navigables releva du ministère fédéral des transports qui continua à faire appel aux avions de patrouille maritime de l’ARC, tel le Canadair Argus, mais aussi à des entreprises privées. Spécialement aménagés à cette fin, deux Douglas DC-4 de Kenting Aviation effectuèrent les patrouilles des glaces, jusqu’à leur remplacement en 1972 par des appareils Lockheed Electra de Nordair.

Lancaster MK.X
Canadair Argus
Douglas DC-4
Lockheed Electra

En 1986, le gouvernement du Canada se dota d’un Dash 7 spécialement aménagé pour la Patrouille des glaces, auquel s’est plus tard ajouté deux appareils Dash 8. Un troisième Dash 8 rejoindra bientôt la petite flotte de ces avions facilement reconnaissables à leur livrée rouge vif. Au fil des ans, la mission de ces avions a évoluée pour inclure la surveillance des rejets pétrolier en mer. Volant dans le cadre du Programme national de surveillance aérienne, ces avions sont munis d’un radar aéroporté à antenne latérale, d’un balayeur linéaire à l’ultraviolet et à l’infrarouge ainsi que d’un système de caméra infrarouge à imagerie électro-optique. Avec l’aide des satellites Radarsat, les équipages de ces avions agissent donc comme anges gardiens tant pour les marins que pour l’environnement. Au besoin, les autorités civiles peuvent également compter sur les polyvalents Lockheed CP-140 Aurora de l’ARC aptes à traquer bien plus que les sous-marins et navires.

DHC-7 Dash 7 et DHC-8 Dash 8
Lockheed CP-140 Aurora

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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

5 Responses

  1. Bonjour,
    Reportage intéressant !
    (La vodka locale à l’eau d’iceberg bien bien mais je préfère la vodka polonaise à l’herbe de bison).

    1. Je vais goûter à cette vodka, c’est promis ! Ma préférée à ce jour demeure la vodka québécoise Pur, primée à quelque reprises comme la meilleure au monde.

      1. Marcel étant Canadien il ne sait forcément pas que la loi française nous oblige à rappeler que la consommation d’alcool doit se faire avec modération. 🙂

        1. Bien évidemment ! C’est pourquoi je privilégie la qualité à la quantité. Ici c’est d’ailleurs l’heure de l’apéro, alors santé !

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