En jargon politique on appelle cette démarche le protectionnisme, et même si elle peut sembler séduisante elle a aussi son revers. Ce lundi 10 août 2020 le gouvernement indien a officiellement déclaré que toute une série d’interdictions d’importations de matériels de défense, parmi lesquels plusieurs concernent l’aéronautique, allait entrer en vigueur. Une annonce concomitante avec la commande d’un nouvel avion d’entraînement intermédiaire développé par HAL. Pour autant ces restrictions ne concernent pas tous les types d’aéronefs.
C’est le ministre indien de la défense monsieur Rajnath Singh qui a fait cette déclaration. Ce très proche du premier-ministre Modi n’a jamais caché son intention de rendre tout son lustre à l’Inde, et de lui donner une place de choix dans le concert des nations. Aussi a t-il annoncé qu’un train d’interdictions d’importations de matériels de défense entrerait en vigueur entre décembre 2020 et décembre 2025. Et elles concernent tout un tas d’équipement : du fusil d’assaut au navire de guerre, en passant par les avions et hélicoptères. Bien sûr nous allons nous focaliser sur ces derniers.
Singh entend désormais interdire au maximum que les forces de défense indiennes se dotent de matériels étrangers (américains, européens, ou russes) dans les catégories suivantes : avions de combat légers, avions d’entraînement basique et intermédiaire, avions de transport légers, hélicoptères de reconnaissance et d’appui, et hélicoptères d’entraînement. On remarquera qu’en dehors de la première catégorie toutes les autres concernent plutôt des aéronefs de soutien.
Pour autant pas le moindre avion de combat multi-rôle, pas d’avion de transport tactique, ou pas d’avion d’entraînement avancé dans la liste.
Ce qui démontre bien que Rajnath Singh et ses conseillers sont bien conscients des limites de l’industrie aéronautique indienne. Il ne faudrait pas se brouiller avec des avionneurs comme Boeing, Dassault Aviation, ou Sukhoi qui pourraient leur être encore d’un grand secours à l’avenir. Mais alors pourquoi attendre une telle date : le mois d’août n’est généralement pas la période rêvée pour ce type de déclarations fracassantes.
En fait le ministre indien de la défense a calqué sa déclaration sur celle de l’achat de 106 nouveaux avions d’entraînement HAL HTT-40. Ces monomoteurs à turbopropulseurs de facture locale (voir photo en couverture d’article) auront la lourde tâche de remplacer à la fois les vieux jets HAL HJT-16 Kiran mais également une partie des Pilatus PC-7 Turbo Trainer. Ils seront livrés en deux lots de 70 et 36 machines entre 2022 et 2027.
Car ces avions d’une conception finalement assez répandue permettent d’illustrer parfaitement ce que le gouvernement indien entend protéger de ses fournisseurs habituels. Des avions et hélicoptères pas trop complexes qui peuvent être facilement construits. Mais alors pourquoi exclure les jets d’entraînement de ces interdictions puisque le HJT-16 Kiran a volé durant si longtemps en Inde ? Tout simplement parce que depuis cette machine l’avionneur HAL est incapable de développer un avion à réaction similaire. La preuve la plus formelle est le HJT-36 Sitara dont le programme a été lancé en 1997 et qui n’arrive toujours pas 23 ans plus tard à être opérationnel. On voit que désormais les politiques indiens ont accepté de tirer un trait sur lui. À contrario en plaçant les avions de combat légers tout en haut de la liste ils confirment leur attachement au programme Tejas, pourtant lui aussi porteur de pas mal de désillusions.
Singh doit désormais affronter les parlementaires indiens. Si ceux de la majorité lui sont acquis ceux de l’opposition semblent farouchement vent-debout contre ce protectionnisme qui pour eux va les isoler face aux fournisseurs internationaux. C’est pourquoi le gouvernement indien entend ne pas mettre en pratique ces interdictions avant la fin de l’année.
Photo © Keypublishing
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Une réponse
Équilibre difficile à trouver car il faut bien connaître les capacités de ses industriels pour fournir ce qu’il faut et ce dans les temps, quand on connaît la durée entre la R&D et le produit final