Décidément le retrait du service de ce mal-aimé n’en finit pas de faire des remous à Washington. Depuis des années les représentants et sénateurs américains s’écharpent avec les militaires quant au sort à attribuer à l’avion d’attaque au sol Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II. Dernier écueil en date la décision de stocker un lot de quarante-deux avions d’ici l’année prochaine qui fait faire des bonds au sein de la chambre basse du Congrès. C’est un des feuilletons politico-militaires auquel les Américains sont les plus habitués.
Si durant un temps les parlementaires américains n’étaient pas les plus fervents défenseurs du A-10 Thunderbolt II cela a bien changé depuis la guerre contre le terrorisme ordonnée par George Bush Jr après les attentats du 11 septembre 2001. Désormais celles et ceux qui lui reprochaient de n’être qu’un inutile reliquat de la guerre froide se sont rendus comptes qu’il savait rendre d’énormes services à la défense américaine. Tout serait parfait si le Pentagone pensait à l’unisson.
Sauf que depuis l’administration Barack Obama, et encore plus depuis le début de celle de Donald Trump, le Warthog (comme l’appellent affectueusement ses pilotes et mécanos) n’a plus du tout les faveurs des étoilés du Pentagone. Les généraux américains aimeraient pouvoir s’en séparer très vite, d’autant qu’ils sont soutenus par les différents secrétaires à la défense en poste depuis 2009.
Bien sûr en lieu et place le Pentagone ne jure plus que par le Lockheed-Martin F-35A Lightning II et par les versions les plus récentes du McDonnell-Douglas F-15E Strike Eagle. Sauf qu’aussi polyvalents que soient ces deux avions de combat ils n’auront jamais les capacités d’appui d’un A-10C Thunderbolt II, capable d’attaquer une cible ennemi au plus près des troupes alliées.
Les généraux américains rêvent aussi de pouvoir s’appuyer sur leur flotte de drones de combat General Atomics MQ-9A Reaper, mais là ils doivent se heurter à un plafond de verre : la réalité opérationnelle des charges de combat entre ces deux machines. Un Thunderbolt II en mission opérationnelle standard emporte en armement l’équivalent de ce qu’emportent deux ou trois Reaper, et ce sans compter son fameux et si puissant canon de nez.
Alors chaque retrait du service de Thunderbolt II est l’objet d’âpres négociations entre élus (aussi bien démocrates que républicains) et généraux. Il faut souvent des mois de pourparlers pour qu’enfin l’US Air Force puisse s’autoriser à se défausser de dix ou douze de ces avions. C’est aussi ça la force des grandes démocraties : le poids du pouvoir législatif sur le contrôle de l’action militaire.
Pour autant parfois le Pentagone tente des coups de poker. Dont certains qui marchent moyennement. Celui révélé ce mardi 7 avril 2020 par la représentante démocrate de l’Arizona Ann Kirkpatrick pourrait bien coûter leur place à deux ou trois généraux. En effet ils ont tenté de contourner le contrôle parlementaire en prenant la décision de stocker à Davis Monthan AFB un total de quarante-deux Fairchild-Republic A-10C Thunderbolt II entre décembre 2020 et janvier 2021. C’est à dire hors de l’exercice fiscal de l’année prochaine. Celui-ci commence en effet en février 2021. Or l’exercice fiscal de 2020 sur lequel ce stockage doit intervenir n’a jamais prévu une telle opération. Ça sent l’embrouille à plein nez.
Surtout chacun sait que cette quarantaine de biréacteurs risque bien de ne jamais ressortir des sables du désert de Davis Monthan AFB. Stockage ou retrait du service déguisé ? Pour madame Kirkpatrick la question ne se pose même plus.
Et désormais c’est Nancy Pelosi, la puissante présidente démocrate de la chambre des représentants, qui monte au front en demandant une commission d’enquête parlementaire contre le Pentagone sur cette question.
Le Thunderbolt II n’en a donc pas fini de pourrir les relations entre élus et militaires américains. Et d’être également à l’origines de jolies boules puantes envoyées ça et là depuis les allées et coursives de Washington. En attendant son retrait du service n’est plus officiellement envisagé avant au moins vingt ans !
Photo © US Air Force.
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9 Responses
Et si la france rachetait à vil prix les 42 A10?
Excellente idee, ca servirait bien en Afrique !
Ou alors ce serait un nouveau gouffre financier pour l’Armée de l’Air. Si l’A-10 Thunderbolt II ne s’est jamais vendu à l’export, il y a une raison : sa consommation en carburéacteur est délirante.
Oui, comme tous les chars d’assaut (volant ou pas.)
Cordialement.
Bonjour,
je suis toujours étonné de cette stratégie du toujours plus cher des militaires us.
avec les capacités de conception actuelle et les nouveaux matériaux composites plus léger je n arrive pas a comprendre pourquoi il ne concoive pas des évolutions de ces matériels qui corrigent les obsolescence et apportent un peu de modernité tout en maintenant un prix raisonnable.
en tout ça merci pour le blog c est toujours super
Bonjour Arnaud,
En fait, la guérilla de l’USAF contre le A-10 est bien plus ancienne. Les vieux schnocks (dont je suis ::-)) se souviendront d’un article du défunt et excellent magazine Aviation Magazine International du début des années 80, expliquant que le directeur du programme de l’A-10, colonel, n’obtiendrait jamais sa nomination au grade de général car l’USAF ne voulait pas vraiment d’un avion même pas supersonique et ne pratiquant pas le combat aérien. En fait, un avion qui fait du CAS rappelle trop à l’Air Force l’époque où elle dépendait de l’US ARMY et ne pouvait faire que du soutien aux troupes au sol, sans action stratégique indépendante.
A titre perso, le fait de retirer l’A-10 du service ne me choque pas en soi (après tout sa conception remontant à près de 50 ans, il est presque aussi vieux que moi…), ce qui me choque est qu’un remplaçant présentant les mêmes caractéristiques de (relative) simplicité, de rusticité et de solidité n’ait pas été développé depuis une vingtaine d’année. Et ce n’est pas cette godasse volante de F-35 qui pourra jamais tenir ce rôle, ni même un F-15 (qui est pourtant, lui, un véritable avion de combat) – Avis personnel bien sûr. Et pour détruire un 4×4 Toyota gréé d’une mitrailleuse achetée quelques milliers de dollars, je pense qu’un canon sera plus approprié et meilleur marché qu’un missile. Or il semble que le canon ne soit pas la meilleure arme du F-35…
Et pourquoi ne pas changer ses réacteurs par des propulseurs de même dimension, au consommation et puissance actuel?
Certes, un tank volant est forcément un glouton. D’où le côté « à vil prix », histoire de changer les réacteurs (et forcément par du neufs), de changer le canon rotatif par un modèle plus léger de 30mm ou 27mm (d’occase ou neuf), et d’adapter l’armement (notamment des roquettes guidées par exemple.
D’ailleurs, vus les déboires du CdG, ne devrions nous pas non plus, envisager de racheter une poignée de C2A Greyhound d’occase avant qu’il ne termine à Davis-Mountains? Et profiter (un peu cyniquement certes) du Covid, pour faire racheter pas chers, les futurs Airbus 319/320/321/330/340/380 qui ne manqueront pas d’être mis au stockage (Lufthansa par exemple), par l’EATC, en les convertissant aux standard P2F / MRTT?
Je dis cela comme ça.
Ne jetons pas la pierre aux américains car nous avons les mêmes problèmes chez nous. L’usage de rafales au Mali laisse perplexe alors que nous avons une cinquantaine d’avions antiguerilla Tucano à usage d’avions école pour l’armée de l’air qui viennent d’être remplacés. Mais comme dit un patron « je ne suis pas général pour commander des helices ». On ne peut comprendre que si on n’est pas contribuable. C’est toujours le même Toyota qu’il convient de détruire mais c’est plus « classe » d’arriver à mach 1.5, de devoir refaire une passe d’acquisition avant de lui balancer un hellfire à 200.000 € que d’arriver à 160 nœuds et de le hacher menu avec de la vulgaire 12,7.