Le rendez-vous manqué du P-38 Lightning et de la Royal Air Force.

C’est probablement un des avions les plus connus de la Seconde Guerre mondiale. Le Lockheed P-38 Lightning fut le principal chasseur bimoteur terrestre américain du conflit même s’il fut boudé par le principal allié des États-Unis : le Royaume-Uni. Retour sur l’histoire méconnue des cinq uniques avions de ce type ayant porté les couleurs de la Royal Air Force. De mythiques avion de chasse qui ne combattirent jamais !

Alors que l’Armée de l’Air s’y intéressa dès l’annonce de son premier vol en janvier 1939 la Royal Air Force de son côté ne sembla jamais se passionner pour ce chasseur venu de l’autre côté de l’Atlantique nord. Et même lorsque durant le Blitz le premier ministre britannique Winston Churchill pressait son allié politique Franklin D. Roosevelt de lui fournir des avions de chasse, il s’agissait la plus part du temps de Curtiss P-40 Warhawk. Et en dehors de lui les Britanniques réclamaient des Bell P-39 Airacobra.

C’est dire si le Lockheed P-38 Lightning ne les intéressait pas ! En fait les pilotes de la RAF n’étaient guère convaincu par l’idée d’un chasseur bimoteur monoplace à long rayon d’action. Par une forme d’esprit de conservatisme ils estimaient qu’un chasseur bimoteur se devait d’être au minimum biplace, voire encore mieux triplace. L’exemple type pour eux était alors le Bristol Beaufighter de fabrication locale et qu’ils développaient à la même époque.
En fait cette croyance selon laquelle un chasseur bimoteur se devait d’être au minimum biplace était répandu en Europe. Pourtant l’aviation britannique employait bien un chasseur comparable au Lightning américain : le Westland Whirlwind mais qui ne réussit jamais à convaincre l’état-major alors même que ses pilotes lui tressaient des louanges en permanence.
La Luftwaffe avait le même regard au travers de son Messerschmitt Bf 110 et dans une moindre mesure l’Armée de l’Air avec son Potez 631. Cette dernière s’était avant 1940 fortement penché sur l’avion américain, au point même de le commander en série. Aucun ne lui fut livré, la France tombant trop vite aux mains des armées allemandes.

Après l’attaque nippone sur Pearl Harbour et l’entrée en guerre des États-Unis qui s’en suivit la donne faillit changer. L’élargissement de la loi de Prêt-Bail donna de nouveaux pouvoirs d’acquisition aux forces britanniques vis à vis des industriels américains. Le feu vert du Congrès était désormais quasi immédiat. Et l’avionneur Lockheed pensa alors fournir des avions aux Britanniques. Mais là encore sans succès.

Finalement un accord fut trouvé en mai 1942 entre Washington et Londres afin de fournir 143 des 667 avions commandés par l’Armée de l’Air au début de l’année 1940. Les autres seraient pris en compte par l’US Army Air Force. Les Britanniques demandèrent que trois avions de présérie leur soient convoyés. Sous la désignation de Lockheed Lightning Mk-I ils furent testés en vol entre juillet et août 1942. Mais jamais un avion supplémentaire ne fut livré, les pilotes d’essais britanniques leur trouvant tous les défauts du monde.

Selon eux le Lockheed P-38 Lightning était trop lent, trop peu manœuvrant, et sa motorisation laissait à désirer. Le moteur à douze cylindres en V Allison V-1710 qui l’animait était selon les experts britanniques trop fragile pour une utilisation quotidienne. Ce qui allait à l’encontre de l’avis de leurs homologues américains. Fait intéressant il propulsait également le Bel P-39 Airacobra sans que cela n’ait jamais gêné le moins du monde les pilotes et mécanos de la RAF. En fait c’était quasiment devenu un jeu pour eux que de casser du sucre sur le dos de cet avion. Fin août 1942 l’état-major américain en eut marre et intégra dans ses rangs les avions destinés initialement aux Britanniques comme P-38E et P-38F.
Ironie du sort : beaucoup volèrent depuis des bases en Angleterre et au Pays-de-Galles.

On aurait pu croire que Lockheed allait en rester là. Eh bien non, l’avionneur américain revint à la charge. Le constructeur fit en sorte que le gouvernement britannique commande un lot de 524 avions d’une nouvelle version désignée P-38G. Les Britanniques en essayèrent en vol deux exemplaires comme Lightning Mk-II.
Mais le cirque redémarra entre la RAF et Lockheed sur des points de détails qui en temps de guerre auraient parfaitement pu passe. La preuve les Américains eux-même volaient sur ces mêmes avions sans avoir le moindre souci. Enfin en dehors des chasses allemandes et italienne en Europe et japonaises dans le Pacifique, mais là c’est une autre histoire.

Même les victoires aériennes nombreuses des Lockheed P-38 Lightning sous l’étoile américaine ne réussirent pas à faire faire machine arrière aux Britanniques. Ils n’en démordaient pas : pour eux c’était un avion de chasse raté.
Près de 80 ans après la Bataille d’Angleterre les positions au Royaume-Uni n’ont pas vraiment changé. Hormis quelques rares historiens de l’aéronautique le gros des publications universitaires continue de descendre en flèche cet avion, malgré ses victoires et qualités incontestables.
Au final donc seuls cinq P-38 Lightning portèrent les couleurs britanniques durant la guerre.

Photos © Royal Air Force Museum.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

14 Responses

  1. Il n’y aurait pas aussi une histoire d’avions proposés sans les turbos? Cela grevait d’autant plus les performances et explique aussi le moindre intérêt porté par las anglais!!

    1. Cette histoire de turbos non montés sur les avions britanniques relèverait en fait plutôt du fantasme. Quelques publications en parlent mais grosso modo rien ne semble vraiment l’accréditer, c’est pourquoi le sujet n’en parle pas.

    1. Oui mais en quoi ses victoires aériennes ont à voir avec sa « carrière » britannique ?

  2. Même les victoires aériennes nombreuses des Lockheed P-38 Lightning sous l’étoile américaine ne réussirent pas à faire faire machine arrière aux Britanniques.

  3. Tout de même une belle gueule avec cette livrée de la RAF ! Un de mes avions préférés. Merci Arnaud !

  4. en tout cas sur les photos d illustration de l’excellent article , les turbos ne sont pas présent a moins qu ils n’ aient été censuré par les services de propagandes a l’époque

  5. La prise de position des britanniques concernant les bimoteurs est d’autant plus bizarre qu’en plus du Westland Whirlwind (trop peu connu à mon avis), il y eut le Mosquito qui eut la carrière remarquable que l’on sait , même s’il fut utilisé principalement comme Pathfinder ( ou marqueur de cibles avant l’arrivée des vagues de bombardiers pour les non anglicistes). ou comme bombardier. Il est aussi vrai que le Messerschmitt 110 « Zerstörer » ( destructeur en allemand) a aussi été utilisé comme bombardier moyen. .

    1. Le Mosquito fut un excellent chasseur… de nuit. Et comme vous l’avez expliqué c’était avant tout un avion de reconnaissance et un bombardier, adapté ensuite à la chasse.

  6. Je me souviens d’articles ou d’anciens pilotes de P38 parlaient de leurs difficultés, les scores victoires\pertes n’étaient pas favorables ( en Europe ). Bing et Mc Guire étaient sur P38…mais dans le Pacifique. Pour l’avoir vu en meeting, il est diablement beau.

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