Johnny May : légende vivante du Nunavik

Hors du cercle restreint des aérophiles et des habitants du Grand-Nord québécois, bien peu connaissent le légendaire pilote de brousse Johnny May. Sa notoriété commence toutefois à déborder du Nunavik. Ses exploits ont récemment fait l’objet d’un livre pour enfants intitulé « Bonbons dans le ciel de Noël à Kuujjuaq » produit par le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.

À tous les jours de Noël depuis 54 ans, Johnny May largue fidèlement des bonbons et des cadeaux au-dessus du village de Kuujjuaq. Cette idée ne tire pas son origine des célèbres « Candy Bombers » du pont aérien de Berlin, mais plutôt d’une tradition lancée par la Compagnie de la Baie d’Hudson. Gestionnaire du poste de traite de cette compagnie à Kangiqsualujjuaq, village voisin de Kuujjuaq, le père de Johnny grimpait sur le toit de l’édifice et lançait des bonbons aux enfants à tous les Noëls. Quand il devint pilote, le jeune Johnny eut l’idée de poursuivre cette tradition en larguant les bonbons de son avion en vol. Jeune de cœur, mais accusant ses 74 ans, Johnny May laisse entendre à chaque année que cela pourrait être sa dernière virée avec le Père Noël. Parions que ses onze petits-enfants inciteront leur grand-père à continuer cette tradition pendant quelques années encore…

Noël 2019 à Kuujjuaq

Aussi appréciés que soient ses vols de Noël,  ce sont ses missions héroïques de recherche et de sauvetage dans le Nord inhospitalier qui font de Johnny May une véritable légende vivante. Malgré la météo parfois inclémente, n’hésitant jamais à prendre l’air afin de porter secours aux personnes égarées ou en besoin de soins médicaux urgents, Johnny May a sauvé de nombreuses vies et survécu lui-même à quelques écrasements. En 2013, l’Office national du film du Canada a produit un long métrage intitulé « Les ailes de Johnny May ». Ce documentaire, entrecoupé de quelques scènes d’animation, raconte l’histoire peu banale de ce premier aviateur Inuit.  Ce film nous permet de survoler les grands espaces sauvages du Nunavik, mais aussi voyager dans le temps car Johnny May fut le témoin privilégié de l’évolution récente des Inuits. Du haut des airs, il a vu son peuple passer des traîneaux à chiens, des tentes et des igloos aux motoneiges et aux villages modernes. Inspirés par ses exploits, nombre de jeunes Inuits sont devenus à leur tour pilotes.

Johnny May et son ami, le Père Noël

Fruit de l’union d’un père blanc et d’une mère inuite, Johnny May est né en 1945 à Kangiqsualujjuaq, village situé à l’embouchure de la rivière George au Nouveau-Québec. À l’âge de six ans, lors d’un vol vers le camp de pêche de son père, le pilote lui confie brièvement les commandes de l’avion. Le jeune Johnny n’aura par la suite qu’une seule idée : devenir pilote. Il réalise son premier vol solo à l’âge de 16 ans et commence sa carrière de pilote de brousse en 1962 avec son brevet en poche. Au fil des ans, il accumulera 35 000 heures de vol sur des Nordyun Norseman, Beechcraft 18, DHC-2 Beaver, DHC-3 Otter et autres appareils. Après une dizaine d’années à voler pour divers transporteurs, il retourna à Kuujjuaq pour fonder en 1974 sa propre entreprise: Johnny May’s Air Charters. Suite à la vente de son entreprise à Air Inuit en 1988, Johnny May continua d’y œuvrer comme gestionnaire de l’exploitation et pilote en chef.

DHC-2 Beaver « Pengo Pally » de Johnny May’s Air Charters

Sa passion pour l’aviation n’a d’égale que celle pour son épouse Louisa, une femme exceptionnelle qui a œuvré dans les services sociaux du Nunavik au cours d’une carrière d’une trentaine d’années, tout en élevant quatre enfants. Louisa sût très tôt qu’elle devait partager son pilote de brousse avec les autres membres de la communauté. De retour d’une mission urgente, Johnny arriva quatre heures en retard à leur cérémonie de mariage ! Malgré son métier que l’amenait à s’absenter fréquemment de la maison pour des périodes parfois longues, Johnny avait toujours en tête sa chérie. Sur le flanc de son appareil DHC-2 Beaver fétiche qu’il pilota pendant une quarantaine d’années, il avait inscrit en inuktitut « Pengo Pally », ce qui signifie « Tu me manques ».

Louisa et Johnny

Vendu à un particulier en 2012, ce DHC-2 arborant toujours son inscription « Pengo Pally » fut malheureusement détruit lors d’un tragique écrasement le 12 juillet 2019. Clin d’œil à nos cousins français, ce même appareil  (# série 56-0393) a volé en France sous les couleurs de l’US Army dans les années 1960.

DHC-2 Beaver (56-0393) à Toussus-le-Noble, France

En terminant sur une note plus joyeuse, mentionnons que la brasserie artisanale Bush Pilot Brewing Company a nommé une de ses créations « Pengo Pally » en l’honneur de Johnny May. Voilà certainement une bière digne d’être servie au Bar de l’escadrille !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

2 Responses

  1. Merci Marcel pour l’article.
    Pour la dernière photo, il manque un message d’avertissement! 🙂

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