Le remplacement des vingt-huit actuels Panavia Tornado ECR allemands ne cesse de préoccuper les Européens au plus haut point. Après quelques atermoiements sur la question il semble bien qu’Airbus Defense & Space ait tranché : le consortium Eurofighter construira une version de reconnaissance et de guerre électronique de son avion de combat EF-2000 Typhoon. Une décision qui permet d’éviter de laisser l’avionneur américain Boeing et son EA-18G Growler seuls en compétition. Une option européenne qui pourrait bien avoir les faveurs de la Luftwaffe.
Déjà on sait que les militaires allemands ont décidé sur ce dossier de tourner le dos au F-35A Lightning II américain. L’avion furtif de nouvelle génération de Lockheed-Martin n’est pas considéré comme un avion adapté au remplacement des rustiques et robustes tueurs de radars de l’aviation allemande.
En fait aujourd’hui le seul avion susceptible de réellement remplacer efficacement ces avions provient bien des États-Unis, c’est Boeing qui l’a développé. Il s’agit de l’EA-18G Growler qui a été proposé aux Allemands depuis un an et demi. Cet avion de guerre électronique tactique et d’attaque anti-radar embarqué a par ailleurs déjà été exporté. L’Australie en a acquis douze exemplaires en mai 2013, des avions basés à terre comme ils pourraient l’être en Allemagne.
Sauf qu’outre-Rhin la perspective d’acheter des avions de combat développés et produits aux États-Unis n’enchante pas forcément la classe politique (autant de droite que de gauche) et encore moins l’opinion publique. Les Allemands de la rue préféreraient semble t-il que leurs militaires évoluent sur un avion européen.
Une réalité qui a poussé Airbus Defense & Space a faire pression sur ses partenaires BAE Systems et Leonardo afin de valider la réalisation d’une version dédiée à la reconnaissance tactique, à la guerre électronique, et à la destruction des radars ennemis de l’avion de combat multi-rôle EF-2000 Typhoon. Avec ses seulement 46% du capital du consortium le constructeur européen ne peut pas décider seul, sans l’aval de ses partenaires britanniques et italiens.
Le futur avion s’appellera donc Eurofighter Typhoon ECR, marquant ainsi une certaine filiation avec le Tornado ECR lui aussi issu d’un programme européen : le Tornado IDS. Mais tout reste à faire pour les Européens. Il faut définir le futur avion, et en premier lieu savoir s’il sera mono ou biplace. À priori rien n’interdit la première hypothèse, les évolutions technologiques des vingt-cinq dernières années l’ayant permis.
En parallèle Airbus Defense & Space annonce attendre qu’une RFI, une Request For Information, assurant la demande officielle d’informations à ce sujet soit émise par le gouvernement fédéral de Berlin. Les Allemands devraient la publier dans les jours ou semaines à venir.
Mais d’ores et déjà il semble que Boeing prenne le risque de voir apparaitre cette concurrence très au sérieux. Le Typhoon ECR représentera une alternative européenne à l’avion américain, et donc un vrai danger pour l’avionneur de Seattle et son actuelle hégémonie sur le marché. Même si ce dernier est ultra restreint.
C’est donc une affaire autant industrielle que diplomatique et politique à suivre quand à l’avenir de ce Typhoon ECR. En tous cas l’annonce d’une nouvelle évolution de l’avion de combat européen est forcément une excellente information pour les aérophiles comme nous.
Photo © OTAN.
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10 Responses
Donc on aura une alternative européenne sur ce type de missions, ce que j’applaudis des deux mains. J’ai une question pour les spécialistes : est-ce que notre cher avion multi-rôles Rafale « sait » aussi faire cela ? Ou bien y-a-t’il un trou dans la raquette ?
Y’a un trou dans la raquette.
Disons que le Spectra permet de classifier et localiser les menaces puis d’accomplir une mission DEAD ou SEAD avec de l’AASM. Mais cela reste assez limité, il faudrait une munition adaptée, plus d’allonge et des capacités de brouillage offensif.
En gros, y’a un trou de deux tiers environ.
Après, il faut aussi concevoir que la mission consistant à neutraliser les défenses aériennes ennemies n’est plus le seul apanage de la force aérienne, et que cela dépend aussi de l’objectif poursuivi : ouverture d’itinéraire, percement de zone A2/AD, contournement, etc …
C’est une affaire hautement complexe et très multi-domaine si on y ajoute le cyber-offensif contre un réseau de défense aérienne mutli-couches.
Merci beaucoup pour l’explication ! 🙂
Il y a donc encore quelques missions qui ne sont pas faisables pour le Rafale…
Contrairement a ce qui est dit, il n’y a pas de trou. On a une approche totalement différente. Les aasm sont utilisés la plus part du temps si le danger est plus important, on utilise les scalp. Les militaires veulent une nouvelle arme car les scalp sont chers et overkill. Enfin dés l’an prochain on aura les satellites Cérès. Dès que le GaN sera approuvé sur rafale, le radar dans son intégralité pourra servir de brouilleur de puissance. Le problème qui monte c’est le manque de vitesse du scalp. On parle des aasm en saturation avec une prise de risque Max ou des smartglider ou encore d’un meteor spécialisé. Les zones déni d’accès posent de nouveaux problèmes en plus de vitesse, c’est le nombre de missile en réserve et surtout la mise en réseau et donc multispectral qui donne du mal aux furtifs actuellement.
Non, SPECTRA ne pourra pas servir de brouilleur offensif, la gamme de fréquence couverte et la puissance sont insuffisante. Et non, les capacités SEAD avec des ASSM ou des missiles SCALP sont marginales, il faut un missile ARM pour remonter aux radars. On ne peut pas localiser précisément un radar sur ses seules émissions radio électriques.
Vous avez tout à fait raison Arnaud d’écrire « C’est donc une affaire autant industrielle que diplomatique et politique à suivre quand à l’avenir de ce Typhoon ECR. » Ce type d’appareil pourrait séduire d’autres pays. Et bravo aux gens des vieux pays qui construisent une nouvelle Europe libre et démocratique.
Serait-ce la fin du tout polyvalent pour un avion, Je l’espère. Les pays occidentaux ont délaissé les contre-mesures et il est temps de rattraper le temps perdu.
Pour revenir au tout polyvalent d’un avion, il y a deux problèmes majeurs:
1° – le tout polyvalent n’existe pas, même si l’évolution technologique fait d’énormes progrès;
2° – pour les équipages se pose un problème de compétences, car ils doivent être opérationnel dans différentes missions très éloignées les unes des autres. De plus, il faut un nombre d’avions minimum pour l’entrainement des différents équipages (cas des équipages FAS actuellement qui manque d’avions pour leur entrainement)
3° – Pour les missions de haute intensité en cas de guerre, un équipage à deux est un plus
Désolé mais moi votre démonstration Richard ne me convainc pas du tout. Je vous trouve même bien hâtif à vouloir absolument enterrer la polyvalence dans les avions de combat, une vision ô combien paradoxale et même à contre-courant de l’évolution aéronautique. Donc non je ne partage pas du tout votre point de vue.
Je ne perdrais pas mon temps à essayer de convaincre quiconque sur ce sujet.
Je précise que peut être, il y a souvent confusion sur l’aspect polyvalent. La technologie évolue et on peut donc rajouter, de plus en plus, d’éléments sur un avion, mais il ne faut pas oublier l’aspect « utilisation opérationnelle ».
Car elle ne permet souvent, de ne pas pouvoir utiliser toutes les possibilités des nouveaux matériels proposés (et cela à cause des contre mesures adverses, radars de détection, missiles portables ou non, etc), et oblige donc des navigations en contexte dégradé pour ne pas se faire repérer.
A priori (si j’ai bien compris) cette variante de Typhoon se reposera en grande partie sur la nacelle EAJP de SAAB. Alors qu’est ce qui empêcherait le Rafale d’emporter ce genre de matériel ? (mis à part le temps pour rendre inter-opérant les systèmes)