Pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire aéronautique de la Seconde Guerre mondiale ou à la cryptozoologie il ou elle aura forcément entendu parler de cette histoire. Des équipages d’avions militaires britanniques auraient repéré le mythique kelpie qui hanterait les eaux du Loch Ness. Avec cette enquête nous allons essayer de démêler le vrai du faux, le fantasme de la réalité. Bien entendu ce sujet n’a nullement pour but de vous présenter la vérité, juste une analyse factuelle.
Pour commencer il faut savoir que durant toute la Seconde Guerre mondiale les eaux et surtout les cieux du Loch Ness ont été particulièrement observées. Il faut dire que la Royal Air Force craignait des intrusions d’avions allemands par le nord, c’est pourquoi toute une chaine de surveillance existait. Elle était en particulier articulée autour des personnels du Royal Observer Corps et de ses fameux spotters qui passaient leurs journées et leurs nuits jumelles à la main.
Par ailleurs deux bases aériennes majeurs étaient situées à proximité du lac écossais : RAF Lossiemouth (qui existe toujours de nos jours) et RAF Inverness. Et c’est cette dernière qui va nous intéresser tout particulièrement dans ce sujet. Même si elle n’exista que le temps de la guerre, installée sur un ancien terrain d’aviation civile, cette base écossaise eut une importance forte dans la formation des équipages de la Royal Air Force. Et elle fut au cœur de plusieurs rumeurs d’observations de la créature.
Avant tout il est sans doute bon d’expliquer ce qu’est le Loch Ness.
Avec ses 39 kilomètres de long pour à peine 2.4 kilomètres de large au maximum et ses 56 kilomètres carrés de surface c’est le deuxième lac le plus vaste d’Écosse. Mais avec une profondeur moyenne de 132 mètres c’est la première réserve naturelle d’eau douce du Royaume Uni. Par endroit le Loch Ness descend même à plus de 250 mètres. C’est donc une très grande étendue d’eau.
Depuis 1500 ans environ une légende (très tenace) dit que le Loch Ness hébergerait un animal fabuleux, affectueusement surnommé Nessie. Tout remonte à 565 quand Saint Colomban aurait affronté l’animal et ainsi sauvé une jeune fille. Difficile à prouver quand on sait que le moine n’avait alors que 25 ans et vivait en Irlande et non en Écosse. Mais la légende est là. Ensuite tout le monde y est allé de son observation de la créature.
Il faut cependant savoir que selon les traditions écossaises tous les lacs abriteraient au moins un kelpie. Il s’agit d’animaux mythologiques mi-hommes mi-chevaux qui hanteraient et protégeraient les eaux contre les agressions humaines. Des légendes écologistes en somme même si elles remontent toutes au Moyen-Âge.
Si entre les 17ème et 19ème siècle les observations de la créature n’ont jamais cessé de défrayer la chronique c’est bien au 20ème siècle qu’elles se répandirent. Et plus particulièrement à partir de l’année 1933 où une route touristique fut creusée à la dynamite dans la roche écossaise. Déjà en août 1936 un pilote privé écossais faisait état de l’observation d’une étrange forme dans le Loch, qui semblait suivre le cheminement de son biplan. L’aviateur ne sut dire ce que c’était, il expliqua pourtant à la presse londonienne qu’il ne s’agissait ni d’une ombre ni d’une oscillation due au vent, celui-ci étant nul à ce moment là.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale la première observation annoncée par un équipage de la Royal Air Force eut lieu en octobre 1940. Le pilote d’un Westland Lysander Mk-II du N°241 Squadron annonça avoir vu à la surface du Loch Ness une sorte de grand serpent d’une dizaine de mètres de long. L’animal fut observé quelques secondes. Après avoir fait un rapport en ce sens le pilote se rétracta.
Quelques temps plus tard en juin 1943 l’équipage d’un bimoteur d’entraînement Airspeed Oxford Mk-I du N°526 Squadron annonça avoir vu sur le bord du Loch Ness, tout près des ruines du château d’Urquhart une sorte de grande salamandre d’une dizaine de mètres. L’animal semblait se reposer. Là encore les deux militaires britanniques en question refusèrent de rédiger un rapport circonstancié, de peur d’être pris pour des fous.
En mars 1944 deux avions similaires de la même unité furent également au cœur d’une intéressante double-observation de l’animal. Dans un premier temps l’élève-observateur de l’un d’entre-eux annonça avoir vu une forme d’anguille de très grande taille au milieu du Loch Ness mais quand le pilote vira sur l’aile l’animal avait replongé.
Une heure plus tard le pilote d’un autre avion de la formation déclara par radio observer une sorte de grand amphibien sur une rive du lac.
Là encore aucun rapport officiel ne fut réalisé.
En dehors de ces échanges radios reprises entre les années 1950 et 1980 dans plusieurs publications aéronautique anglophones il n’existe aucune preuve formelle de l’observation d’un animal inconnu dans le Loch Ness par la RAF durant cette période. Pour autant il existe bien un rapport officiel.
Il a été réalisé en mai 1943 par Cromwell Farrel, membre du Royal Observer Corps. Il déclara sous serment avoir repéré une sorte de grand serpent doté de pattes courtes ou de palettes natatoires d’une longueur de 8 à 10 mètres. Farrel observa l’animal durant environ une minute, avant qu’il ne replonge et disparaisse. Une fois revenu à Inverness le spotter britannique tint absolument à rédiger son rapport. Celui-ci fut envoyé à Londres, mais sans doute enterré sous des tonnes de papier il ne refit surface qu’au milieu des années 1960.
C’est aujourd’hui encore un des rares rapports officiels sur l’apparition de la créature du Loch Ness.
Il est indéniable que si rien ne prouve que la RAF ait réellement fait des observations de l’animal mythique il existe quelques faisceaux d’indices qui pourraient en attester. Reste ensuite à savoir si on croit ou non en l’existence d’un grand prédateur piscivore inconnu dans les eaux du Loch Ness. Ça c’est une autre histoire.
L’utilité de l’outil aéronautique dans la recherche cryptozoologique est toujours d’actualité, comme nous vous l’avions présenté il y a environ un an et demi. Désormais le drone a remplacé l’avion, le scientifique le militaire.
Photo © Royal Air Force Museum
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6 Responses
Sympathique compte-rendu.
Il est amusant de constater que, depuis que presque toute la population est équipée d’un smartphone caméra, le nombre d’observations d’alien ou d’animaux mystérieux a dramatiquement chuté. Étonnant, non ?
En fait il faut savoir que la majorité des « photos » de la créature du Loch Ness ont été prises de nuit, et en N&B. Malgré cela les cryptozoologues enregistrent encore assez régulièrement des témoignages à l’aide d’images faites par les smartphones, mais sans forcément y voir une forme animale.
Ce genre d’histoires c’est bon pour le tourisme, donc l’économie locale. Le nerf de la guerre.
Très intéressant Arnaud.
Perso j’ai navigué pendant 30 ans un peu partout. Il y a à ce jour des choses que j’ai vue en mer et que je n’arrive toujours pas à expliquer ou identifié. Certaines choses nous dépassent.
Un jour nous saurons…. Ou pas!
C’est le propre des scientifiques (et en particulier des cryptozoologues) de penser qu’on ne sait pas tout sur le vivant qui nous entoure. Je me doute qu’en 30 ans de navigation vous avez du voir des trucs particuliers sur les mers. Un calamar de Humbolt remontant en surface ça doit bien mettre les miquettes, et ça arrive plus fréquemment qu’on le croit.
Merci Arnaud pour ce sujet qui continue à nous plonger dans nos rêves et notre imaginaire ,bien que certains apparemment savent qu’ils n’ont pas rêvé ; les chanceux…