Indubitablement ils ont été sous la cocarde britannique les vedettes de la partie hélicoptère du défilé du 14 juillet. L’information a fuité via le dossier de presse du Commandement des Opérations Spéciales : le ministère des armées s’intéresse très sérieusement à l’acquisition d’hélicoptères de transport lourd de type Chinook. Il s’agirait de soutenir l’action de nos forces spéciales autant que de combler les carences de l’Armée de l’Air dans ce domaine. Pour autant de nombreux passionnés d’aviation mais également de spécialistes des questions de défense savent qu’un tel achat par la France est un serpent de mer vieux de plusieurs décennies.
C’est le très sérieux et toujours crédible journal économique Challenges qui annonce l’information. Il relaye donc une petite phrase du dossier de presse du COS émis quelques jours avant la fête nationale et indiquant clairement que l’acquisition de Boeing Vertol CH-47 Chinook est étudiée par l’Armée de l’Air. Cependant le dit dossier de presse reste très discret sur la question, et on peut le comprendre.
Du coup plusieurs questions existent : d’abord combien de machines ? En dessous de dix exemplaires cette acquisition serait forcément inutile. Entre les machines déployées en opérations extérieures, celles immobilisés pour des raisons mécaniques ou électroniques, et les vols d’entraînement et de transformation opérationnelle c’est un minimum ! Dans l’absolu il faudrait au moins quinze machines, et au mieux vingt. Au-delà cela relève du fantasme, les budgets du ministère des armées ne suivront jamais.
D’un point de vue budgétaire d’ailleurs il est important de signaler qu’à aucun moment la loi de programmation militaire 2019-2025 ne signale l’achat d’un quelconque hélicoptère de transport lourd.
Ensuite quelle est la version envisagée par le Commandement des Opérations Spéciales et l’Armée de l’Air ? Les Français achèteront t-ils de «simples» CH-47F comme le Canada ou les Pays-Bas, ou bien opteront-ils pour une machine plus spécialisée ? Il n’est pas impossible qu’ils jettent leur dévolu sur le MH-47G, la version optimisée pour les opérations spéciales. Alors certes beaucoup d’entre-vous se diront que jamais le Pentagone n’autorisera Boeing à vendre un appareil aussi sensible à un pays étranger, fusse t-il un fidèle allié comme la France. En fait il existe un précédent. En 1995 la Royal Air Force a acheté huit Boeing Vertol MH-47E Chinook, la précédente version destinée aux forces spéciales. Ils sont nommés Chinook HC Mk-3 dans l’arsenal britannique.
Enfin il reste le droit.
La France peut-elle acheter un tel hélicoptère sans faire d’appel d’offre ? Normalement non, sauf si elle réussit à arguer de l’urgence tactique comme cela fut le cas lors de la commandes C-130J / KC-130J auprès de Lockheed-Martin. Or dans le cas présent cette urgence risque d’être difficile à présenter par les militaires que ce soit auprès des parlementaires autant que des autres constructeurs. Le ministère des armées devra donc passer par un appel d’offres officiel. Et là il n’y a pas trente-six solutions : l’hélicoptère sera de facture américaine. Ni Airbus Helicopters ni Leonardo ne produit d’appareil capable de concurrencer le Chinook. Inutile de préciser que les hélicoptéristes chinois et russes sont hors-compétition, dans le premier cas leurs appareils sont de trop mauvaise qualité et dans le second les relations entre Paris et Moscou sont encore trop dégradées pour cela. En outre le Mil Mi-26 n’est pas exactement un appareil adapté aux besoins français, en plus d’avoir une fiabilité très très discutable.
Hormis le Chinook la seule possibilité est donc actuellement le King Stallion de Sikorsky, la dernière évolution profondément modernisée du puissant CH-53E Super Stallion.
Maintenant la grosse différence c’est que ce dernier n’est pas encore officiellement en service et très loin d’être opérationnel, ayant engrangés quelques retards médiatisés.
Reste que même si ce scénario est séduisant, que ce soit le Chinook ou le King Stallion, voir un hélicoptère lourd sous les couleurs de l’Armée de l’Air est un pur serpent de mer. On en parle depuis la présidence de François Mitterrand, dans les années 1980-1990. Puis on en a reparler durant celles de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande sans que jamais il ne se concrétise. Emmanuel Macron fera t-il au final mieux que ses prédécesseurs sur ce dossier, ou bien lui aussi tombera t-il dans ce qu’on pourrait considéré comme une malédiction Chinook ? Seuls les mois à venir sauront y répondre.
Photos © US Department of Defense.
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8 Responses
Bonjour,
Est-ce vraiment l’Armée de l’air qui est intéressé par le Chinook ou plutôt l’Armée de terre via son aviation légère (ALAT) ??
Dans l’article il est écrit Armée de l’Air ? Donc c’est elle. Si ça avait été l’Armée de Terre j’aurai sans doute écris ALAT et non Armée de l’Air. Logique non ?
A ma connaissance les 3 armes ont leurs commandos. Air, Terre, Mer.
La DGA(?) avait testé en Mil Mi26 en 2006 de mémoire.
quel dommage de n’avoir pas donné de successeur au super frelon…
C’est vrai qu’on a l’impression que ça manque vraiment pour l’armée française.
Et, qu’on l’apprécie ou pas, c’est vrai aussi que E. Macron a tendance à faire des trucs que ses prédécesseurs ont évité soigneusement. Comme réformer la SNCF, par exemple.
Partant de là, il y aura peut-être un jour des Chinook en France.
Le budget des armées est tellement serré que j’y crois vraiment pas où alors il faudra renoncer ou retarder des livraisons de Phénix ou A400m, même si je souhaite cet équipement pour notre armée que ce soit un CH-47F ou un CH-53K.
Clairement un serpent de mer, mais un très réel besoin pour nos forces armées qu’un hélico de transport lourd, et vu l’urgence il serait illusoire d’attendre un projet d’Airbus en la matière (l’avionneur ne s’y intéresse pas, de toute façon). Go US ! Tout comme un avion de transport très gros porteur, tant que l’on y est, hein… autre besoin, autre serpent de mer :D….
Dans les deux cas, et même si pour le moment nous pouvons / avons pu compter sur nos alliés et autres prestataires privés pour combler le manque, on se rend aisément compte qu’il s’agirait là d’une sacrée plus-value quant à l’autonomie -et donc l’indépendance- dont notre pays pourrait faire preuve dans la conduite de ses opération militaires s’il s’en donnait les moyens. Être tributaire des autres est toujours handicapant, même si -revers de la médaille- être en pleine capacité a malheureusement un coût que peu de pays peuvent s’octroyer.
L’ennui justement, c’est que niveau renouvellement des matériels l’on est en plein dans le dur avec de très nombreux programmes en cours dans les 3 Armes (Rafale, PC21, upgrade des 2000D / Atl2, A400M, NH90, Reaper, Guépard & Albatros qui arriveront en avance, Phénix, FREMM, Jaguar, Griffon, Barracuda… j’en passe et des meilleures), et qu’en l’état dégager des crédits supplémentaires serait une vraie gageure ; déjà qu’ils ont augmenté dans la douleur.
Cependant malgré le coût, je reste persuadé que cela serait un très bon choix opérationnel pour nos armées (car même si c’est l’AdA qui semble intéressée, c’est bien l’ensemble de nos forces -et l’Armée de Terre dans ses déploiements- qui en bénéficierait).