C’est une des missions les moins biens connues du grand public et pourtant parmi les plus essentielles à la défense de la France. Depuis cet été l’Escadron de Chasse 1/4 Gascogne est l’unité qui assure en priorité les missions stratégiques de l’Armée de l’Air. Leur armement principal est le missile air-sol moyenne portée amélioré doté d’une tête nucléaire aéroportée de 300 kilotonnes. C’est depuis la Base Aérienne 113 de Saint-Dizier en Haute Marne qu’opère leurs avions.
Et ces derniers sont des Dassault Aviation Rafale B. Des avions bien plus modernes et polyvalents que les Mirage 2000N utilisés jusque là et retirés du service fin août.
Désormais donc ce sont les Rafale B de l’EC 1/4 Gascogne qui décollent sur alerte avec leur unique missile ASMP-A en point central. Des missiles air-air Mica EM et IR sont également gréés afin d’assurer leur autodéfense.
Bien entendu ces bombardiers biréacteurs disposent de réservoirs largables en plus de leur carburant interne.
Car l’un des secrets d’une bonne posture permanente de dissuasion nucléaire c’est l’allonge. Il est évident que la mission de frappe nucléaire n’est pas destiné au territoire national ni même à un de nos voisins directs. Il faut donc augmenter le rayon d’action, déjà important, des Rafale B comme jadis des Mirage 2000N et avant eux des Mirage IV A/P. Et là une seule solution : le ravitailleur en vol.
C’est pour cela qu’en France ces avions sont rattachés aux Forces Aériennes Stratégiques. Au mythique Boeing C-135FR c’est désormais l’hyper polyvalent Airbus Defense & Space A330 MRTT Phénix qui succédera dans cette mission dans les prochains mois. En fait quand l’Armée de l’Air aura suffisamment de ces biréacteurs de nouvelle génération en dotation. Et que les vieux quadriréacteurs pourront partir à la retraite… ou à la casse ce qui revient au même !
Quelles sont les cibles potentielles des Rafale B de l’Escadron de Chasse 1/4 Gascogne ? En fait ce type d’information est évidemment classé dans la catégorie Très Secret Défense, catégorie Diamant c’est à dire celle qui touche à l’arme nucléaire. Mais on peut aisément se douter que peu de pays aujourd’hui envisageraient de réellement se mettre en danger en ayant des velléités d’agression contre la France ou ses intérêts stratégiques.
Car toute agression directe d’un état contre la France engagerait de facto les avions de la posture permanente de dissuasion nucléaire.
Depuis août 1945 et les bombardements contre Hiroshima et Nagasaki l’arme nucléaire représente dans l’esprit des populations civiles autant que des décideurs politiques la plus grande crainte d’extermination. Et c’est tout à fait logique et justifié. Pour autant aucun politiciens français, de droite comme de gauche, n’envisagerait sérieusement de mettre fin à la dissuasion nucléaire. Ce qui permet d’entrevoir des évolutions de celle-ci dans les années et décennies à venir. Car c’est en partie grâce aux femmes et aux hommes des forces aériennes stratégiques que nous pouvons vivre en paix depuis tant d’années.
Bien entendu lors des vols d’entraînement les équipages de l’Escadron de Chasse 1/4 Gascogne volent quasi en permanence avec des missiles ASMP-A inertes, des sortes de maquettes à l’échelle 1 totalement inoffensives. Ceci afin d’éviter tous risques d’incident qui mettrait en péril les vies humaines et/ou l’environnement. Pour autant ces vols d’entraînement sont plus que nécessaires afin de garantir que le jour J les aviateurs sauront réagir comme il se doit.
Comme pour les armes nucléaires embarquées sur submersibles nucléaires lanceurs d’engins c’est de l’Élysée que viendra l’ordre d’usage de cette arme de destruction massive.
Désormais vous en savez donc un peu plus sur cette posture permanente de dissuasion nucléaire et sur l’Escadron de Chasse 1/4 Gascogne qui avec ses Rafale B l’exerce. Des équipages français qui chaque jour nous protègent d’une manière fort discrète et encore très souvent mal connue.
Photos © Armée de l’Air.
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8 réponses
C’est quand même un grand bon en avant par rapport à un Mirage 2000 N.
La le rafale pour son autoprotection en plus du système spectra et de sa configuration Bi Réacteur contre mono pour le 2000, embarque 6 missiles MICA pour son auto défense : 4 EM et 2 IR, contre deux IR seulement pour le 2000.
Cdt Sylvain PASSEMAR
Tout à fait, mais rappelons pour sa décharge que le 2000N n’était qu’un bombardier, même si de taille chasseur, ses deux missiles IR Magic2 n’étant là que pour l’autoprotection rapprochée.
Le Rafale est en lui-même un chasseur autant qu’un bombardier de par sa conception multirôle, donc si l’on doit comparer avec le 2000, un seul Rafale dans cette posture nucléaire équivaut en capacités à un 2000N + un 2000-5 d’escorte. Autant dire un appareil certes spécialisé, mais capable de faire face à toute menace aérienne par ses propres moyens contrairement à son illustre prédécesseur. Et comme vous dites, c’est un grand bond en avant.
Si vis pacem, para bellum.
Une réponse nucléaire de la France s’entendrait de ma compréhension dans le cadre d’une riposte. Dans ce cas, au vu de la fragilité du dispositif (peu d’avions, bases identifiées, recours aux ravitailleurs obligatoires), est ce que la composante air de notre dissuasion a une réelle chance de porter le feu dans un pays puissant (qui pourrait en être un très à l’est par ex) ? Merci pour votre éclairage.
La composante air de la dissuasion offre au décideur un niveau d’escalade intermédiaire, permettant des frappes d’ultime avertissement. En gros on vous démolit une ville mais si vous continuez on vitrifie la moitié de votre pays.
Cela permet en outre des effets de démonstrations. On fait décoller un Rafale armé qu’on peut rappeler à tout moment, on fait croiser dans vos parages le Charles-de-Gaulle (dont les Rafale M ont également la capacité nucléaire), histoire de mettre une gentille pression.
Les SNLE entreraient en jeu uniquement en cas de menace majeure sur le territoire national.
Ce n’est peut-être pas en ce sens qu’il faut le concevoir, je veux dire dans le cadre d’une dissuasion traditionnelle du faible (nous) au fort (Russie) ou alter-ego (Chine). Une attaque surprise et massive de la Russie (telle qu’on l’a toujours imaginée) neutraliserait en effet les éléments de la dissuasion air en frappant les bases aériennes (on peut toutefois compter sur la dispersion préventive des moyens sur d’autres sites en cas de crise forte). Dans ce cas de figure, ce sont les sous-marins qui sont notre garantie. L’ennemi sait qu’on pourra riposter à un coût inacceptable pour lui, quoi qu’il arrive.
Dans le cadre d’une dissuasion du fort (Nous) au faible (Iran, Corée du Nord, Pakistan et autre futur primo accédant ou même envahisseur sans arme nucléaire ou encore pays sanctuaire d’un terrorisme nucléaire) le couple ASMP-A / Rafale peut délivrer un avertissement modulable très sérieux sous un faible préavis avec une élongation importante, d’autant plus avec les A-330 MRTT capable de ravitailler et de soutenir un strike nucléaire sur une très grande distance.
Le système dans son ensemble (Awacs / MRTT / Rafale ./ ASMP-A / formation des équipages) offre une souplesse inédite au politique à un coût très modique et très bien maîtrisé. Sans compter qu’on peut toujours rappeler les avions à la dernière minute… Mais pas un missile une fois sorti de son tube de lancement. Dans un monde de plus en plus incertain, ce n’est pas du luxe (à mon avis).
Un autre Steph 😉
Merci pour ta réponse. Je n’avais effectivement pas appréhendé notre dissuasion sous cette angle.
C’est dingue que ce frêle missile puisse a lui seul detruire une ville entière. Je ne sais pas si on peut attribuer fièrement que cette performance est un progrès.