Les pingouins ridés, des Twin Huey rouges sur la banquise.

C’est une des facettes les moins connues de l’aéronavale américaine. De septembre 1973 à mars 1999 l’US Navy a disposé d’une flotte de dix Bell UH-1N et deux HH-1N Twin Huey destinés à soutenir les opérations scientifiques au Pôle Sud. Reconnaissables à leurs livrée unie rouge à très haute visibilité, on les appelait les Pingouins ridés ! Retour sur une mission encore très mal connue.

En fait c’est à partir de février 1956 que le squadron VX-6 s’intéressa à l’exploitation des hélicoptères en zone antarctique. Formée l’année précédente cette unité disposait alors d’une flotte assez hétéroclite d’avions regroupant des De Havilland Canada UC-1L Otter, Douglas R4D-4L Skytrain, Douglas R5D-2L Skymaster, et un même le seul et unique Lockheed R7V-1L Constellation. Ses premières missions héliportées se firent avec l’aide de quatre Sikorsky HO4S-3 Chikasaw absolument pas adaptés à ce type de missions. Cependant ces machines permirent de défricher le domaine de vol des voilures tournantes dans cet environnement particulièrement rigoureux.

Sikorsky LH-34D du squadron VX-6.

Fin 1958 les quatre Sikorsky HO4S-3 laissèrent la place à six Sikorsky HUS-1L Seahorse nettement plus adaptés à ce type de missions. Rebaptisés LH-34D en septembre 1962 ces hélicoptères permirent les premières véritables déposes digne de ce nom des scientifiques américains dans la région. Au départ de la base de Marble Point sur le littoral de la Terre Victoria ces hélicoptères emportaient ensuite les équipes plus en profondeurs dans cet enfer blanc.
En janvier 1969 le squadron VX-6 devint officiellement le squadron VXE-6. Le surnom de Puckered Penguins c’est à dire donc les «pingouins ridés» fut conservé. À cette époque les LH-34D Seahorse commençaient à montrer des signes de fatigue, notamment au niveau de la motorisation et des jointures. Pis la majorité des portes coulissantes demeuraient ouvertes, même en plein vol. Sachant que la température pouvait atteindre -25°C, sans compter les vents on se dit que voler sur ce type de machine était loin d’être une sinécure.

La solution fut en fait trouvé au cours de l’été 1973. L’US Navy envisagea dans un premier temps d’acquérir un lot de neuf Sikorsky HH-52A Seaguard mais le marché ne se fit pas, les chaînes d’assemblage n’étant plus en fonction. Le Sikorsky UH-3H Sea King fut lui aussi un temps envisagé mais rapidement jugé trop volumineux pour l’embarquement sur les navires d’explorations et les brises glaces.
Finalement l’état-major de la marine américaine se reporta sur un hélicoptère alors ultramoderne : le Bell UH-1N Twin Huey. Dix exemplaires furent acquis ainsi que deux exemplaires de la version HH-1N destinée aux missions de recherches-sauvetages en mer et d’évacuation sanitaire. L’expérience de l’utilisation des HO4S-3 et des LH-34D avait démontré l’extrême utilité d’une telle sous-version.

Le Bell UH-1N Twi Huey dans sa livrée polaire !

À cette époque le squadron VXE-6 n’utilisait que deux modèles d’avions : le Grumman LU-16C Albatros et le Lockheed LC-130F Hercules. Les deux amphibies remplissaient en fait surtout des missions d’évacuation sanitaire… tous temps quand les LC-130F (suivis quelques années plus tard par des LC-130R) assuraient surtout les vols de ravitaillement et de transport de personnels !

Bien que très attendu l’entrée en service des Bell UH-1N / HH-1N ne se fit pas sans dommage. Dès la première année, en décembre 1973 un exemplaire rata son atterrissage et alla s’encastrer dans un hangar de Marble Point causant la mort d’un membre d’équipage et blessant grièvement quatre militaires et scientifiques. Il fut remplacé quelques semaines plus tard par un nouvel UH-1N.
C’est d’ailleurs à cette époque qu’un jeune médecin militaire eut l’idée de faire repeindre les hélicoptères intégralement en rouge : ils seraient ainsi plus aisés à repérer dans la blanche neige en cas de crash que leur livrée camouflée de l’époque. Ils avaient en effet été livré dans les même couleurs que les hélicoptères qui volaient alors au Vietnam.

Bell HH-1N Twin Huey à l’atterrissage à Marble Point.

Au cours des années 1970 jusqu’à sept hélicoptères rouges promenaient leurs rotors au-dessus de Terre Victoria et des dépendances scientifiques américaines et alliées. Seulement voilà le squadron VXE-6 ne pouvait employer que l’élite des pilotes de Twin Huey, et ses hélicoptères étaient très particulier à piloter. C’est pourquoi quatre UH-1N devaient en permanence, par rotation, demeurer sur le territoire américain afin de permettre la formation des futurs équipages et mécanos.
Celle-ci se déroulait dans un cadre bien éloigné du Pôle Sud, à NAS Point Mugu… en Californie. À partir de 1981 il fut décidé d’acclimater les futurs personnels en les déployant deux semaines en Alaska, c’est à dire au plus près du Pôle Nord. Mais bon c’était déjà ça !

Durant les années 1980 et le début des années 1990 les hélicoptères des pingouins ridés furent surtout utilisés pour l’étude des glaces et diverses expérimentations scientifiques. Le tournant des années 1990 fut marqué par la disparition programmée de l’unité à la fin de la décennie. Pour autant les pilotes et équipages furent engagés à partir de 1995 dans plusieurs études concernant le réchauffement climatique et la fonte des glaces. Leurs Twin Huey rouges survolaient alors fréquemment la banquise.
Cependant fin mars 1999 le squadron VXE-6 fut officiellement dissous.

Embouteillage polaire ?

À la différence des deux modèles d’hélicoptères qui les avaient précédés sur la banquise les Bell UH-1N et HH-1N étaient en excellent état à la fin de leur carrière dans la région. À tel point même que l’état-major de l’US Navy décida de les réaffecter à des missions de servitude et d’évacuation sanitaire sur la majorité de ses bases métropolitaines.
Quand en 2013 tous les Twin Huey quittèrent le service dans l’aéronavale américaine, les anciennes machines du squadron VXE-6 volaient encore. La preuve que le froid, ça conserve !

Photos © National Museum of US Navy.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

2 Responses

  1. Merci pour l’article.
    Les missions de l’escadron ont été reprise comment et par qui ? Ou c’est un vide capacitaire qui c’est installé ?

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