Le vol inaugural d’un aéronef est un instant primordial de son aventure technologique, peut-être même le plus important de tous car il permet de démontrer physiquement les travaux d’ingénierie. Et c’est ce lundi 18 décembre 2017 que le nouveau prototype américain Bell V-280 Valor a réalisé son premier vol depuis le centre d’essais texan d’Amarillo. Même à l’heure du tout-numérique cette phase du développement demeure un évènement.
D’autant que le Bell V-280 Valor n’est pas un convertiplane comme les autres. À la différence du Bell / Boeing CV-22 Osprey en service dans l’US Air Force celui-ci doit remplacer à terme deux hélicoptères parmi les plus importants dans l’histoire des voilures tournantes : le Sikorsky UH-60 Blackhawk mais aussi l’inoxydable Bell UH-1N Twin Huey. Ce n’est pas peu dire que la tâche est ardue !
Mais au fait un convertiplane peut-il vraiment assurer des missions d’assaut comme ces deux hélicoptères militaires ? À priori il y a encore quelques années la réponse aurait été non mais il faut bien reconnaitre que les ingénieurs de Bell Helicopter semblent avoir surmontés les défauts de jeunesse de ces machines ultra-complexes. Car rappelons-le un convertiplane n’est absolument pas un hélicoptère qui se transforme en avion, c’est un type d’aéronef à part entière. Et l’une des phases les plus critiques dans son vol est la translation, c’est à dire le passage du vol vertical au vol horizontal par le basculement des rotors qui deviennent dès lors des hélices tractives. Sauf qu’à la différence du Osprey où l’ensemble du groupe propulseur bascule «seuls» les hélices et les boitiers de transmissions réaliseront cette translation de 90°.
Or ce premier vol n’a pour l’instant permis que de démontrer que le Bell V-280 Valor était capable de décoller comme n’importe quelle voilure tournante. Les phases de translation ne devraient débuter qu’à l’horizon 2019. D’ici là le prototype devra démontrer ses capacités en statique grâce à un équipement type pont permettant la translation tout en évitant que les hélices ne viennent percuter le sol. Ce serait en effet un peu ballot de devoir les changer à chaque essai.
Le programme du Bell V-280 Valor est actuellement un des plus intéressants et des plus novateurs dans le monde de l’aéronautique militaire. À n’en pas douter nous reviendrons dessus dans les mois à venir.
Photo © Bell Textron.
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9 Responses
Les USA vont avoir une superbe flotte d’hélicoptères entre le Osprey, le Valor, le CH-53K mais celui qui risque de me fasciner le plus sera le Sikorsky s-97. Airbus hélicoptère est peut-être le plus gros constructeur en terme de vente mais en terme de progrès technique les constructeurs US sont très loin devant.
Ça c’est indiscutable. Les Américains sont très loin devant nous en terme de R&D. Je dirais même plus : l’Europe est à la traine car Leonardo (ex-AgustaWestland) n’est pas mieux qu’Airbus Helicopters !
Le Valor et le S-97 Raider sont en concurrence pour le programme Futur Vertical Lift, on ne devrait donc pas les voir tout les deux en fonction dans l’armée US. Ils ne devraient se côtoyer qu’au stade des prototypes. En suite seul le gagnant sera produit, à moins que le perdant ne trouve un autre débouché.
Par rapport au V22, outre le fait que le moteur ne bascule pas, le Valor diffère également par le fait qu’un arbre de transmission relie les deux rotors à travers l’aile. Ainsi en cas de panne d’un moteur, les deux rotors tournent encore, et permettent à l’appareil de prolonger son vol, contrairement au Osprey.
Les européens ne sont pas loin derrière. Leonardo a fait voler sont Tiltrotor AW609 et a enregistré des précommandes de la part d’un pays du golf pour l’évacuation sanitaire.
Airbus développe sont projet Racer, issu de son prototype X3, qui a battu le record de vitesse pour une voilure tournante. Le Racer doit voler en 2020.
Ce qui est intéressant c’est que chacun présente un configuration technique différente à par le V22 Osprey et l’AW609 qui sont des convertibles relativement similaires où les moteurs basculent avec les nacelles..
Le Valor est un convertible où seules les hélices basculent et les nacelles moteur sont fixes.
Le S-97 Raider présente un rotor principale avec deux hélices contrarotatives et une hélice propulsive à l’arrière.
Le Racer d’airbus présente une rotor principale classique avec deux hélices propulsives sur les côtés.
Toutes ces innovations sont destinées à solutionner le problème de la différence de portance entre la pale avançant et la pale reculant sur le rotor principale et qui empêche un hélico de dépasser une vitesse limite (environ 350km/h) quelle que soit sa puissance.
Cet engin est fort intéressant techniquement par rapport à l’Osprey, on voit bien qu’il a été tenu compte des retours d’expérience sur son complexe ainé dans le but de le rendre plus sûr (moteurs fixes, et arbre connectant les 2 rotors en cas d’urgence). Pas de chance pour les curieux, le système des boites de transmission pivotantes a été flouté sur les photos de face.
Par contre je m’interroge : pour des capacités d’emport similaires (mais une vitesse / rayon d’action bien supérieurs on est d’accord), en terme d’encombrement et de look il tient toutefois bien plus de l’avion que de l’hélicoptère, et présente de fait une cible bien plus imposante en situation tactique que le Blackhawk qu’il est censé remplacer. L’Army, si elle le choisissait, souhaiterait-elle réellement se passer de voilures tournantes classiques en remplaçant tous ses Blackhawk par des Valor ? Car pour la dépose de troupes sur le champ de bataille, outre les Chinook plus lourds et peut-être les Lakota plus légers dont je doute de l’utilité au front, faire d’un convertiplane l’appareil majeur de servitude de l’Army en remplacement d’un hélicoptère me semble un choix relativement osé, vu les casseroles que se traîne (à tort et à raison) l’Osprey.
Le Raider de Sikorsky, d’une certaine façon bien plus classique, moins imposant, (un peu moins impressionnant aussi en terme de performances, certes), et même s’il détonne aussi par son look, me semble à mon sens plus proche du Blackhawk sur le cahier des charges, et aussi -ça a son importance- d’un hélicoptère. Le domaine de de vol du Valor reste à découvrir, le Raider profite de la technologie contrarotative éprouvée de longue date. Dans l’imaginaire collectif, pour le contribuable comme les décideurs du Pentagone, ça peut avoir son importance.
Voyons les choses également sous cet angle : le Blackhawk, hélicoptère moyen de l’Army, a séduit d’autres armées dans le monde, et aussi donné naissance à des versions navales adaptées à la quasi-intégralité des navires de l’US Navy (et autres marines) dans les tâches les plus diverses. La Navy et d’autres pays ne regarderaient-ils pas également d’un œil intéressé le successeur du Blackhawk ? Dans ce cas de figure, vu son encombrement et sa configuration plus atypique que son concurrent, le Valor me semblerait en difficulté par rapport au Raider.
C’est à débattre, mais en tout cas ça reste un bien bel appareil 😉
Pour mieux illustrer mon propos précédent, voyez plutôt cette envergure :
https://theaviationist.com/wp-content/uploads/2017/12/V-280-Valor-first-flight-top.jpg
L’envergure est supérieure à un hélico mais pas à celle d’un avion. Si on considère que c’est un avion qui se pose et qui décolle à la verticale y a plus de pb d’envergure.
Et les V22 qui doivent avoir grosso modo la même envergure interviennent sur des porte-avions et des porte-hélicoptères. Certes pas sur les navires plus petits.
Le Raider est à part de tous les autres car il n’a aucune surface portante fixe. A moins que la dérive arrière qui est assez large joue ce rôle.
C’est certes un avion qui se pose et décolle à la verticale, mais le point que je soulève est justement celui-ci : pour le remplacement d’un hélicoptère moyen de manœuvre et servitude, ce choix du convertiplane est-il bien judicieux ? Je comprends votre point de vue, mais il n’empêche qu’au-delà du choix du concept même (tilt-rotor VS hélico) qui va sans doute faire rage au Pentagone, son envergure m’a l’air très supérieure à celle du rotor d’un Blackhawk, donc niveau encombrement (discrétion / furtivité? / taille de cible) et stockage (aménager les infrastructures existantes) cela pourrait poser souci.
Aménagement des structures existantes qui m’amène à mon second point que vous soulevez à juste titre : l’Osprey n’est pas opérable depuis la plage arrière et le pont-hangar hélico des frégates et autres navires plus petits pour lesquels les Black/Seahawk sont calibrés, handicap majeur pour le Valor si les utilisateurs du Blackhawk devaient s’intéresser à son successeur. Le V22 en version navale, d’un autre tonnage soit dit en passant- a de plus un autre atout dans sa manche : il a été conçu avec un pivot sous l’emplanture surélevée des ailes, qui lui permet de les « ranger » dans l’axe du fuselage (https://i.stack.imgur.com/2OYyJ.jpg), avantage indéniable sur les porte-hélicoptères des Marines et autres porte-avions, ce que le Valor pour le moment ne montre pas (et avec la configuration de ses ailes plantées dans le fuselage + cet arbre de transmission entre les 2 moteurs, ça pourrait être compliqué).
Je pense aussi à l’aérotransport, les hélicos de l’Army étant toujours amenés sur zone par l’Air Mobility Command (C5 et C17) avec un minimum de démontage. On rentre 2 Blackhawk par C17 ; qu’en serait-il du Valor ?
Je ne descends pas gratuitement le Valor, loin s’en faut, c’est une fort belle machine, mais je trouve rien qu’à l’observation de ce prototype que le projet s’éloigne un peu trop du Blackhawk (hélico de moyen tonnage) qu’il est censé remplacer en créant des problématiques spécifiques à son cas (que le Raider, plus classique, semblerait éviter).
Mais après tout, l’Army pourrait faire le choix de l’audace et ouvrir les capacités de sa composante air vers les plus hautes performances (vitesse et rayon d’action) au détriment de la rusticité, les corollaires de taille / encombrement, et vraisemblablement du coût, auquel cas le convertiplane s’imposera de lui-même.
Le coût sera un élément déterminant, ne l’oublions pas ; au-delà du prix unitaire, plus l’appareil pourra remplacer le Blackhawk aisément, plus le projet sera rentable.
Certes vous avez raison c’est pour le moins encombrant comme engin ! Est-ce que le Valor pourra se « plier » comme le Ospray ? Je ne sais pas. (votre photo est impressionnante !) Il est vrai aussi que le V-22 est d’une catégorie de masse supérieure. De ce point de vue le Raider est moins encombrant. En tous cas concernant le programme FVL pour le quel ils concourent l’armée US exige, me semble-t-il ,un appareil plus rapide qu’un hélico classique. Il lui faudra donc opter obligatoirement pour une architecture innovante.
Et sur ce point précis, le Valor l’emporte largement sur le Raider, tout comme pour l’endurance.
Ce sera une bataille entre compromis et innovation ^^.