Lors d’un tour de la péninsule gaspésienne en septembre dernier, j’ai fait un arrêt au Parc national Forillon, l’un des joyaux naturels de la Gaspésie. Dans le secteur Penouille de ce parc on trouve une superbe plage et aussi, étonnamment, des vestiges de la Deuxième guerre Mondiale. Protégé par un bunker, un canon pointé vers la baie de Gaspé est tout ce qui reste du Fort Péninsule aujourd’hui disparu. Avec Fort Prével et Fort Haldimand, il constituait un réseau de batteries côtières et anti-aériennes protégeant le port de Gaspé.
Lors de nos cours d’histoire à l’école élémentaire, nous avons tous appris que l’explorateur malouin Jacques Cartier érigea une croix en bois à Gaspé pour indiquer la prise de possession de ce territoire au nom du roi de France, lors de son premier voyage en Amérique en 1534. Aujourd’hui, une croix massive de granite rappelle que Gaspé est ainsi devenue le «Berceau de l’Amérique française». Moins connu, un autre Français marqua les débuts de l’aviation à Gaspé, soit Jacques De Lesseps qui y implanta une première hydrobase. Le rôle important de Gaspé durant le dernier conflit mondial fut toutefois une découverte pour moi.
Sérieusement menacée d’être envahie par les troupes allemandes en 1940, la Grande-Bretagne était à la recherche de ports pour abriter les navires de la Royal Navy. Comme le Canada était déjà prévu comme terre d’accueil pour la famille royale ainsi que le gouvernement britannique en exil en cas d’invasion, deux mouillages y furent également ciblés soit ceux de Sidney en Nouvelle-Écosse et celui de Gaspé au Québec. Profonde, bien abritée par le relief de la côte et par ses pointes sablonneuses de Penouille et de Sandy d’où on pouvait déployer un filet anti-sous-marin, la baie de Gaspé était facile à défendre. Enfin, sa position géographique en faisait un choix stratégique pour assurer la défense de l’estuaire et du golfe Saint-Laurent.
Suite à l’échec de la Luftwaffe durant la Bataille d’Angleterre, la crainte d’invasion se dissipa toutefois en 1941, sans que l’on ne néglige pour autant de poursuivre les travaux dans la baie de Gaspé. La base aéronavale de Gaspé, nommée NCSM Fort Ramsay, fut inaugurée le 1er mai 1942. L’ouverture de cette base coïncida avec les premiers bateaux coulés par les U Boote allemands dans ce qui allait devenir la Bataille du Saint-Laurent. En réponse à ces attaques, la Marine royale canadienne implanta un système de convois sur le fleuve et dans le golfe. La Base de Gaspé constitua le port d’attache des navires de la Force d’escorte du Golfe à laquelle incombait la responsabilité d’escorter les convois entre Québec et Sydney où se rassemblaient les navires pour la traversée de l’Atlantique. Dotée d’un hangar et d’une rampe de mise à l’eau pour les hydravions, la base de Gaspé accueillit également un détachement de l’Aviation royale canadienne qui y dépêcha des appareils PBY Catalina et Canso (version canadienne du Catalina) afin d’effectuer des patrouilles anti-sous-marines. Des avions additionnels décollant de la base aérienne de Mont-Joli complétaient cette couverture aérienne.
Au plus fort de ses opérations, le complexe défensif de Gaspé regroupait environ 2 500 militaires. Toutefois, aucune de ces batteries côtières n’eut à ouvrir le feu contre une cible ennemie. Au total, la flotte de Fort Ramsay a escorté plus de 1642 navires répartis en 183 convois. Dès 1943, la menace des U Boote avait déjà grandement diminuée grâce à ces navires d’escorte et surtout aux patrouilles des avions de lutte anti-sous-marine. En mai 1945, la guerre en Europe ayant pris fin, il fut décidé de fermer Fort Ramsay. Seuls certains bâtiments reconvertis à la vie civile subsistent encore, mais le vaste hangar abritant les hydravions est disparu suite à un incendie.
Ainsi se termina l’époque des grands hydravions à Gaspé, si ce n’est des bombardiers d’eau du Service aérien du Gouvernement du Québec qui viennent à l’occasion écoper dans la grande baie abritée. Aujourd’hui, lorsqu’on scrute la surface de l’eau lors d’une ballade en kayak, nous ne sommes pas à la recherche de périscopes mais plutôt des baleines et des phoques qui s’ébattent dans la paisible baie de Gaspé.
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2 Responses
Encore un sujet passionnant pour un pan que je ne connaissais pas de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Merci Marcel !
Bravo et merci Marcel de nous faire connaitre c’est petite parcelle d’histoire qui a traits a l’aviation canadienne car doit ton le dire celle-ci n’est que bien peut documentés de ce côté ci de l’Atlantique ( Canada ) et c’est bien dommage !,