Pour une force aérienne avoir la possibilité, en temps de guerre, de tester un avion de combat ennemi ça n’a pas de prix. C’est le luxe dont purent jouir les officiers français quand ils récupérèrent en novembre 1915 un monoplan allemand Fokker E.III en parfait état de vol auquel il ne manquait rien. Un exploit qui allait permettre à l’Aviation Militaire Française de prendre le pas sur la Luftsreikfräft.
En fait le Fokker E.III allemand avait été pris en chasse par un Nieuport XI français, alors considéré comme le meilleur biplan de chasse, et peut être même comme le meilleur chasseur du moment toutes aviations confondues. Pour une raison très simple l’aviateur français ne descendit pas son adversaire mais le força à se poser : le haut état-major français cherchait depuis des mois à percer le secret qui entourait l’utilisation par les Allemands d’un système de tir au travers du pas de l’hélice.
Ils durent rapidement se rendre à l’évidence : Roland Garros avait parlé durant sa captivité et collaboré avec Anthony Fokker et ses ingénieurs.
En fait une fois le monoplan allemand à court de carburant il ne restait plus au pilote français qu’à le harceler pour le forcer à poser son avion au sol, ce qu’il fit à l’orée d’un hameau de la campagne rémoise. Rapidement arrêté par les gendarmes le pilote allemand termina la guerre dans les geôles de l’armée française.
Mais un problème venait d’émerger pour les généraux français. Comment éviter que l’empire allemand n’apprenne la capture de cet avion ? Le Fokker E.III était en effet désormais aux vues et aux sues de tous, en commençant par les dizaines de badauds qui se ruèrent pour se photographier près de lui voire carrément à ses commandes.
La presse fut muselée, un acte pas si rare à cette époque et renforcé par la nécessité du secret militaire. Les habitants de la région reçurent quant à eux l’instruction formelle de ne jamais en reparler publiquement. Autant dire que le secret de cette capture s’ébruita à vitesse grand V.
En fait en Allemagne elle n’eut quasiment aucun retentissement et n’inquiéta quasiment pas les états-majors. Depuis l’apparition de nouveaux biplans nettement plus manœuvrables dans les escadrilles britanniques et françaises les Fokker E.III n’avaient plus vraiment la côte. Ils étaient en voie d’obsolescence et ça les généraux de l’empire le savaient parfaitement.
Photos © Bibliothèque du Congrès des États-Unis
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2 Responses
Bonjour Arnaud,
merci pour les très nombreux articles rendant ce site particulièrement vivant et agréable à consulter souvent.
Une fois n’est pas coutume, je prends le clavier car une phrase remet en question ce que j’ai toujours lu à propos de Garros: » …avait parlé durant sa captivité et collaboré avec Anthony Fokker et ses ingénieurs. »
N’avait-il pas essayé de mettre le feu à son appareil sans succès avant de se faire prendre, justement pour que son invention ne puisse être copiée par l’ennemi? Auquel cas, le terme « collaboré », même s’il n’a pas encore pris toute sa dimension comme en 39-45, n’est-il pas au mieux hasardeux au pire injuste?
Objectivement, même Garros le reconnut lui-même après son évasion, l’aviateur français a durant sa captivité collaboré avec l’avionneur germano-néerlandais. Il décrivait même sa relation comme cordiale avec Fokker.