Il y a quelques semaines notre ami Marcel nous a proposé un remarquable mini-dossier historique à propos de l’archipel des Aléoutiennes durant la Seconde Guerre mondiale. Au détour de son sujet on peut y voir un cliché en noir et blanc représentant des GI’s assurant la pose de plaques de Marston Mats. Peut être bien que certains de nos lecteurs ne savent pas de quoi il s’agit, d’où l’idée de cet article destiné à vous expliquer ce que sont ces plaques métalliques qui ont eu un impact énorme dans l’effort de guerre allié. Retour sur une des inventions les plus révolutionnaires, et pourtant à priori les plus simples, du conflit.
Il convient d’abord d’expliquer ce que sont ces Marston Mats. Officiellement dénommés PSP pour perforated steel planking, elles se présentent sous la forme de plaques d’acier rectangulaires usinées de trois mètres de long sur trente-huit centimètres de large. Un total de 87 trous circulaires perforent chaque plaque. Les Marston Mats ont été conçues pour pouvoir s’emboiter les unes dans les autres, un peu à la manière des tuiles de toiture.
Les premières PSP furent essayées par l’US Army au tout début de l’année 1942, soit quelques semaines seulement après l’entrée en guerre des Américains. C’est sur un terrain militaire proche de la ville de Marston sur la côte est des États-Unis qu’elles avaient été testé, d’où leur surnom.
C’est pour permettre aux lourds camions de l’armée américaine de pouvoir rouler sur les sentiers boueux ou dans le sable du désert que les Marston Mats furent pensées initialement. Mais rapidement les hommes des Construction Battalions de l’US Navy, les fameux « seabees » se sont rendus compte que les PSP étaient bien plus robustes qu’on le pensait alors. Un test fut réalisé avec un vieux chasseur biplan embarqué Grumman F3F sur une piste aménagée au moyen de ces plaques. Non seulement l’avion se posa sans encombre mais il redécolla comme s’il se trouvait sur le pont d’un porte-avions. Mais un pont qui mesurait près d’un kilomètre et demi de long sur trois cents mètres de large.
Dès lors les Marston Mats devinrent la base de fabrication des terrains d’aviation américains dans le monde entier. Sur les îles et îlots du Pacifique autant que dans la campagne anglaise les kilomètres de plaques de PSP s’alignaient alors, permettant aussi bien le déplacement de camions et de tanks que l’atterrissage et le décollage d’avions en tous genres. Mieux à l’usage l’US Army Air Force et l’US Navy se rendirent comptes que les Marston Mats pouvaient soutenir des masses de plus de 29 tonnes. La très grande majorité des avions terrestres et embarqués alliés pouvait les utiliser, du chasseur Grumman F4F Wildcat au bombardier Boeing B-17 Fortress.
Elles furent utilisées durant tout le conflit, et prirent une part considérable dans la libération de l’Europe. Au titre de la loi de prêt-bail, les Américains envoyèrent les plans détaillés aux ingénieurs soviétiques. Ils n’avaient plus qu’à les construire, cela revenait moins cher que de les fabriquer aux États-Unis et de leur faire traverser l’Atlantique et l’océan Arctique par bateau. On en rencontrait partout où les Américains et les Britanniques passaient.
Après-guerre les phénoménaux stocks de surplus furent utilisés durant le blocus de Berlin en 1948. Même si les lourds quadrimoteurs de transport transatlantique ne pouvaient pas se poser dessus, les Douglas C-47 Skytrain étaient eux très à l’aise avec. De même que les chasseurs Lockheed F-80C Shooting Star qui assuraient la couverture aérienne des opérations, au cas ou des chasseurs soviétiques auraient voulu shooter un avion-cargo allié. Par la suite une version dérivée fut construite et utilisée en Corée et au Vietnam sous la forme de petites plaques hexagonales.
On ignore la quantité exacte de Marston Mats assemblée durant la Seconde Guerre mondiale, mais il y a quelques années des historiens américains estimèrent qu’on pourrait certainement relier la Terre à la Lune (soit 384 400 km) avec les PSP construites… aux États-Unis.
Si vous vous baladez dans la campagne normande ne soyez pas surpris : même en ce début de vingt-et-unième siècle (soit plus de 70 ans après le Débarquement) il n’est pas rare de croiser des plaques de PSP reconverties comme palissades dans des exploitations agricoles voire comme casiers pour les bouteilles de cidres. Après tout les Marston Mats ont été inventées avec une bonne dose de système D.
Photos © Wikimédias Commons.
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9 Responses
Sujet d’article intéressant !
J’étais justement à rédiger un article sur la question pour nos lecteurs, mais Arnaud m’a devancé ! Peu importe, maintenant vous êtes informés. Un général américain a déjà dit que les trois innovations qui avaient permis de gagner la guerre étaient les Liberty Ships (bateaux de transport construits à la chaine), l’avion Dakota et… les Marston Mats ! J’ajouterais tout de même à cette liste le chasseur Mustang !
J’aurais aussi rajouter à la liste des innovations la boite de singe (le corned-beef en argot) qui a été un sacré plus dans les rations de combat des soldats alliés.
Je me souviens du temps ou les DC 3 de Sobelair (Cie aérienne Belge) fin des année 40 ou tout début 50. Notre DC3 reliait l’Est du Congo Belge à Bruxelles en 5 ou 6 jours avec escale de nuit bien sûr. Et visite de site touristiques selon les voyages comme Le Caire, Rome, Athène …. Je me souviens qu ‘ à Athène notre avion a attérrit ou en tous cas roulé sur une piste faite de plaques Marston Mats. Il a fallu des fois des années pour refaire certains aéroports à l’époque.
Ces avions n’étaient pas pressurisé ce qui fait que même le vol était du Tourisme. Avec une 20aine de passagers, ils ne devaient guerre dépasser les 2.000 m. d’altitude. Mais ils attérrissaient tout de même à Bukavu soit environ 1500 M d’altitude.
Bonj il ne faut pas oublier les ponts Bailey
Bonjour ! J’ai lu que lors de la guerre d’Indochine l’armée française utilisait des plaques « Summerfield » : s’agit-il d’un autre nom pour désigner la même chose ? Ils en ont même largué au-dessus du camp retranché de Dien Bien Phu, ce qui en faisait des projectiles extrêmement dangereux pour le personnel au sol lorsque les liens entourant les piles de plaques cédaient en vol. Merci pour tout info.
Alors là impossible pour moi de vous répondre, je n’en ai jamais entendu parler. Peut-être un autre lecteur.
Article très intéressant, je viens de récupérer dans une haie, 2 plaques PSP, d’environ 1,50m de long. J’habite en Normandie (département de la Seine Maritime) et confirme l’utilisation de ces plaques dans le monde agricole, surtout jusque dans les années 70, mais il en reste pas mal encore en service. Maintenant les agriculteurs préfèrent les glissières d’autoroutes.
Ça a moins de charme une glissière d’autoroute, mais il faut savoir vivre avec son temps. 🙂