Le Tigre a t-il sa place dans la guerre contre Daech ?

Alors que l’opération Chammal bat actuellement son plein, avec son lot de raids aériens menés par les équipages de l’Armée de l’Air et de la Marine Nationale, il est peut être temps de se poser la question sur un futur rôle des hélicoptères de combat dans ce conflit. Est-il toujours inenvisageable que l’Aviation Légère de l’Armée de Terre déploie dans les prochains mois plusieurs de ses machines au-dessus de l’Irak et/ou de la Syrie ? Les Tigre ne seraient-ils pas adaptés à la traque et à la mise hors d’état de nuire des djihadistes de Daech ? Tentons d’analyser cela.

Certes les dirigeants français semblent arc-boutés sur leur décision initiale de n’engager le combat qu’avec des avions d’armes, embarqués ou terrestres, mais il se pourrait bien que de récents évènements les fassent changer d’avis.

En premier lieu le fait que le débat sur l’emploi dans cette guerre des hélicoptères de combat pour l’appui aérien rapproché et pour la destruction d’objectifs faiblement protégés semble exister outre-Atlantique. Plusieurs candidats aux primaires (tant côté démocrates que républicains) ont clairement fait savoir qu’ils ne s’opposeraient pas au déploiement d’Apache s’ils étaient élus à la tête du pays. C’est une différence notable avec la vision de Barack Obama.

Ensuite il faut se souvenir de cette récente rumeur particulièrement insistante sur une possible carence française en matière d’armement aéroporté. Certains médias avaient rapporté que dès octobre 2015 l’Armée de l’Air connaissait une pénurie en matière de munitions guidées. Ce qui finalement n’a semblé être qu’une rumeur sans réel fondement, si ce n’est discréditer l’engagement français dans la région.

Enfin il est peut être utile de rappeler que si le Mirage 2000D a bien été pensé comme un avion d’attaque et d’appui aérien rapproché il en est tout autrement du pourtant très réussi Rafale B & C. Ce dernier est tout à fait apte à l’appui même si cette mission semble un peu secondaire pour une machine aussi onéreuse et perfectionnée que le dernier né des avions de combat français.

Tout cela mit bout à bout semble dessiner une possibilité que dans les mois à venir des Tigre HAP et/ou HAD fassent leur apparition au-dessus de l’Irak et de la Syrie. Même si beaucoup savent désormais que l’hélicoptère franco-allemand est pleinement opérationnel avec ses missiles AGM-114 Hellfire d’origine américaine, le recours au canon de 30mm et aux roquettes air-sol pourrait s’avérer une bonne idée dans la pourchasse des colonnes de 4×4 de l’autoproclamé État Islamique. Mais l’hélicoptère de combat apporterait également une proximité non négligeable entre les fantassins irakiens et leurs alliés français.

Le Tigre HAP dans toute sa splendeur.
Le Tigre HAP dans toute sa splendeur.

Bien sûr le risque de perdre un tel appareil en combat n’est pas à exclure, et l’engagement des Tigre de l’ALAT en Afghanistan est là pour le rappeler : ils sont beaucoup plus exposés aux missiles anti-aériens portatifs (types SAM-7 ou Stinger) que les avions de combat qui eux volent beaucoup plus hauts. Et puis l’engagement de tels hélicoptères obligerait la France à avoir recours à des installations beaucoup plus proches du champ de bataille, vraisemblablement en Irak. Un risque que François Hollande est-il actuellement prêt à courir ? Pas sûr. Car qui dit base française en Irak dit forcément risque accru d’attaque terroriste contre nos soldats.
Il reste toujours la possibilité de les faire opérer depuis la Jordanie ou bien des bâtiments de la Marine Nationale croisant au large de la Syrie.

Au final on ignore vraiment ce qui pourrait empêcher actuellement nos dirigeants de déployer ces hélicoptères, sinon des postures purement idéologiques. L’avenir nous dira si celles ci sont durables ou peuvent évoluer.

Photos © Ministère de la Défense.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

17 Responses

  1. L’Irak n’a-t’elle pas refusé la proposition US de déployer des Apaches sur son territoire?
    Donc en Irak fort peu probable. En Jordanie? Et prendre le risque de voir un équipage tomber aux mains de ces barbares?
    A mon humble avis ça serait une mauvaise idée. Sauf si on envoie complètement la sauce avec des troupes au sol.

      1. Bonne ou mauvaise idée un jour ou l’autre il faudrassûrement prendre ce risque. Faut pas se leurrer.

  2. Les Tigres seraient les mieux placés pour lutter contre l’EI. Ils avaient déjà montré tout leur potentiel dans ce drôle en Libye. Ceux sont les meilleurs pour débusquer un adversaire qui se fond dans les populations (depuis les airs).
    Pourtant en Libye l’alat avait déjà prévenue, la Libye n’a aucune profondeur, le pays se résume presqu’à la zone côtière et le schéma tactique ne pourrait pas se reproduire ailleurs. Si les Tigres sont envoyés en Syrie et en Irak ça ne sera pas depuis les différents mistral mais depuis des bases terrestres qu’il faudra construire, approvisionner et défendre et ce toujours plus profondément à mesure que les armées progresseront dans ces deux pays. On est très loin de la « stratégie » de pas mettre de troupe au sol, les hélico n’ont pas l’autonomie des avions.

  3. Je suis d’accord avec Arnaud sur le faite que le tigre serait le meilleur outils contre l’État islamique en Syrie et en Irak ,mais comme le dit wagdoox : le problème vient du manque de rayon d’action de ses machines qui dans ses pays imposeraient de facto des bases terrestres extrêmement imperméables comme en Afghanistan , et là c’est un problème de savoir jusqu’où les nations en guerre contre l’EI sont prêtes à aller.

  4. D’accord avec Wagdoox :
    La distance est un obstacle majeur, déjà à cause de la limite du rayon d’action de nos hélicos, mais aussi à cause du temps nécessaire pour arriver sur zone. Malgré tout on peut supposer qu’il y a suffisamment d’objectifs immobiles pour donner du boulot aux hélicos.
    Niveau rayon d’action, on serait quand même assez limités : en partant de la mer, Raqqa se situe juste à la limite du rayon d’action du Tigre (800km aller-retour)… Et sans « point sûr » pour atterrir en cas de pépin (la Turquie ? )

    Le risque AA est quand même non négligeable, même s’il n’est pas forcément très important (MANPADS supposés assez peu performants, à moins qu’on leur ait livré des Mistral tout neufs, pas de posé, peu ou pas de CAS donc de passage à portée d’armes légères). Mais au premier Tigre tombé, c’est la cata totale dans les média… éternelle faiblesse des armées occidentales.

    Pour digresser brièvement, le fait qu’on évoque plus l’Irak que la Turquie pour installer une base avancée vers la Syrie est assez révélateur de malaise actuel : on préfère un état quasi-failli à un membre de l’OTAN ? Vu le comportement actuel des Turques, aussi…( des ottomans ? :p )

    Sur l’utilisation d’hélicos en contre-insurrection, voici un document super intéressant, rapport du centre de recherche doctrinale des armées :
    http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/content/download/3209/49915/file/Helicopter_contre_insurrection.pdf

    1. Ya pas que les manpads y’a la mitraille. Même si le Tigre a prouvé au Mali qu’il résistait bien aux petits calibres, il existe quand même un risque. Et vu ce que ces enfoirés de daesh sont capable de faire à un pimote tombé dans leurs lignes, je comprendrai aisément la réaction de notre population si ça arrivait pour un de nos équipage. Les pilotes de M2000 doivent d’ailleurs serrez les fesses (au passage je les salue et remercie de leur action).
      Par définition l’hélicoptère est fragile. Dans ses emplois récents, les contextes étaient tout autres: comme vous le soulignez l’autonomie joue, y’aura pas de Mistral à proximité. Et au Sahel c’est en appui direct aux troupes.
      Le Tigre est un excellent hélicoptère, mais le contexte d’emploi est évidemment très importants.
      Il ne me semble pas de toute manière que l’idée a été évoquée par les décideurs et stratèges pour l’instant. Et de toutes manières il n’y en aurait pas assez à déployer: n’oubliez qu’on est au Sahel, et peut-être demain en Lybie (bis repetita?). La disponibilité des Tigre n’est pas il me semble au top. Pour en déployer 2 ou 3 c’est toute une histoire, et les fronts se multiplient.

      1. Les hélico utilisés en contact le font normalement dans la nuit noire ce qui leur permet d’être « furtif » à la condition bien sur qu’en face il n’est pas de lunette à vision nocturne (c’était le cas en Libye).
        Dans le rôle de soutient ou de CAS les hélico sont plus en arrière et aussi bien nocturne que diurne.
        Le fait d’opérer les tigres depuis les mistral est moins complexe que d’envoyer deux ou trois exemplaires à peine.

  5. Il suffit de regarder les zones de conflit en court : Ukraine , Syrie et Yemen .
    Les hélicos tombent comme des mouches.
    Il y a beaucoup trop de MANPADS et de canons antiaériens.

    Si un Tigre est obligé de voler plus haut que la portée effective de son canon, il n’a alors plus aucune utilité en comparaison d’un drone MALE.

  6. Je ne comprends pas vraiment la comparaison entre drone et hélico, l’hélico est un outil de contact dans l’armée française, c’est à lui à jouer avec la nuit ou le relief pour se protéger jusqu’à atteindre son objectif et le détruire.
    Il offre une meilleure précision que les drones et engendre moins de dommages collatéraux.
    Américains et plus encore Russes se servent des hélico, comme d’une aviation mais fortement blindée là oui !

  7. Je sais que ma question va vous sembler idiote mais vous parlez Arnaud de Tigres HAD et de Tigre HAP. Quelle est la différence ? Je croyais que les HAD étaient les Tigres français et les HAP les Tigres allemands.

    1. Les HAD sont destinés à l’appui et les HAP à l’attaque de cibles durcies et à la lutte antichar.

    2. les HAP sont au départs une norme fr, les had espagnol et allemand ont encore une autre version avec un radar au dessus des pales et sont spécialisés dans l’anti-chars

    3. P pour Protection: canon, missiles AA mais pas de missiles anti-char
      D pour Destruction: + missiles anti-char Hellfire

  8. Au-delà des considérations opératives et tactiques, il existe un problème opérationnel, ou plus exactement technique, s’agissant de l’engagement des Tigres au-dessus de l’Irak et/ou de la Syrie.

    Je fais allusion à la nature de la poussière de cette région très chargée en particule de quartz, et donc particulièrement abrasive.

    Certes l’installation de filtres à air adaptés peut retarder l’usure prématurée des turbines, mais seulement la retarder.

    L’effet dévastateur de cette poussière a déjà été expérimenté lors des deux guerres d’Irak avec des pertes de puissance nécessitant des temps de maintenance s’allongent considérablement.

    Naturellement, les turbines des MBT M1 Abrams furent les plus touchées (oui, oui, un char avec une turbine).

    Mais les aéronefs spécialisés dans le CAS (Apache, A 10…) en furent aussi largement victime.

    Sur l’effet stratégique de cette usure des matériels par la poussière hautement abrasive, et pour référence historique, je me rappelle que le général Guderian imputait, dans ses mémoires, à la poussière automnale russe de la fin 1941 la perte de mobilité de son arme blindée.

    1. Très intéressantes remarques CR91. Il me sembme aussi, peut-être dans une un peu moindre mesure, qu’en Centrafrique et au Sahel c’est un facteur important.
      J’ai lu ça aussi sur l’opération Barbarossa, information assez surprenante quand on y pense. Poussière qui se transformait ensuite en boue collante et extrêmement pénalisante pour une armée en mouvement.

  9. Le système de visée STRIX pour les tigres allemands et français est quasi le même à 90%
    Sur les français il est au dessus de la cabine, pour les allemands au dessus du rotor. Le strix est composé d une caméra jour, d une caméra nuit, d un télémétre laser et d un pointeur laser. Sur les allemands le strix n est nullement un radar.

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