Vingt ans déjà, vingt ans que l’une des prises d’otages les plus sanglantes et les plus spectaculaires s’est déroulée en France. Fin décembre 1994, quatre terroristes détournaient un biréacteur Airbus A300 appartenant à Air France, obligeant les super-gendarmes du GIGN à donner un assaut mortel contre l’avion. Retour en arrière sur un des épisodes les plus sombres de l’histoire aéronautique française.
Nous sommes la veille de Noël, le 24 décembre 1994, et le vol AF8969 doit relier Alger à Paris. C’est une des liaisons aériennes internationales les plus importantes à l’époque pour la compagnie française. Les avions partent toujours bondés. À bord des Algériens qui vont visiter leurs familles pour les fêtes de fin d’années et des Français désireux de passer Noël chez eux. Plusieurs enfants sont bien entendu parmi les passagers. L’avion transporte 220 passagers et douze membres d’équipage.
Alors que l’embarquement se déroule sans souci une voiture sérigraphiée aux couleurs de la compagnie française s’arrête au pied de l’avion. Quatre hommes en descendent et montent à bord de l’Airbus. Ils se présentent au commandant de bord comme des policiers en civil, montrant des cartes officielles. Aussitôt ils se mettent à contrôler les passeports des passagers.
Pourtant un doute existe dans l’esprit du commandant de bord qui demande discrètement des informations à la tour de contrôle. Celle-ci nie rapidement l’envoi de policiers à bord.
Un commando d’élite de la sûreté algérienne est alors déployé aux abords de l’avion. Les faux policiers les voyant ils déclinent leur véritable identité : ce sont des terroristes appartenant au FIS, le Front Islamiste du Salut, une organisation religieuse radicale bien connue des services de renseignement et responsable alors de nombreux attentats en Algérie.
La prise d’otage est immédiatement prise très au sérieux par les autorités des deux pays. Une cellule de crise est mise en place à Paris tandis qu’à Alger les négociations débutent.
Les exigences des pirates de l’air sont simples : que l’avion décolle et prenne le chemin de Paris. Ce qu’à ce moment là les responsables algériens refusent catégoriquement.
Dans l’avion c’est la panique. Les passagers sont apeurés et les pirates de l’air passent leur temps à hurler et à exhiber armes et explosifs. Le personnel navigant commercial essaye de rassurer tant bien que mal, mais la situation est très tendue.
Toute la nuit du 24 au 25 décembre les négociateurs algériens s’activent pour faire libérer les premiers otages. Dans le même temps François Mitterrand, Président de la République, et son premier ministre Edouard Balladur proposent aux Algériens de leur « prêter » le GIGN.
En effet le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale est alors considéré dans le monde entier comme un spécialiste de ce genre d’opérations.
Le jour de Noël à 14 heures un premier otage est assassiné par les pirates de l’air, il est identifié comme un policier algérien en vacances. Quelques minutes plus tard c’est un diplomate vietnamien qui est lui aussi abattu par les terroristes. Ils ont réagi à la tentative d’assaut raté des policiers d’élite d’Alger.
Les heures passent et en milieu de soirée, peu après 21 heures, un otage français est choisi comme porte-parole. Il faut dire que c’est lui aussi un diplomate : si l’avion ne décolle pas, il sera tué également.
Moins d’une heure plus tard les hommes du FIS mettent à exécution leur menace. Le corps de cet otage est jeté par la porte de l’avion devant les caméras du monde entier.
À Paris Mitterrand et Balladur ordonnent au GIGN, avec la complicité du gouvernement espagnol, de se prépositionner aux Baléares. Une opérations spéciales, sans l’assentiment du gouvernement algérien, est même un temps envisagé.
Dans le même temps les négociations entre les deux capitales se poursuivent. Et le 26 décembre 1994 à 2 heures du matin l’avion commence enfin son roulage sur le tarmac algérien.
Cependant les quarante heures de la prise d’otage ont coûté cher en carburant, et jamais l’Airbus ne pourra rejoindre Paris. Une escale d’avitaillement est prévue à Marignane, l’aéroport marseillais.
Dans le même temps un Lockheed C-130H Hercules de l’Armée de l’Air ramène les super gendarmes français de Majorque où ils s’étaient positionnés. Il se pose dans le sud de la France à 3 heures 10, vingt minutes avant le vol AF8969. À ce moment là l’espace aérien autour de Marignane a été dégagé.
Les ordres de Paris sont clairs : l’Airbus A300 ne doit pas redécoller.
Car dans le même temps la DST, la Direction de la Surveillance du Territoire, a émis un doute sérieux sur l’objectif réel des pirates de l’air. Selon eux ces terroristes ne cherchent pas uniquement à faire libérer leurs camarades emprisonnés, ils pensent qu’ils veulent faire exploser l’avion au-dessus de la France.
Un peu à la manière du Boeing 747 de la Pan Am à Lockerbie en Écosse six ans plus tôt, presque jour pour jour.
Alors que huit tonnes de carburant suffisent à un tel avion avec autant de passagers pour rallier Marseille à Paris, les pirates en exigent plus du triple soit 27 tonnes. Une quantité qui confirme les doutes de la DST.
En milieu d’après-midi ce 26 décembre 1994 l’ordre vient de Paris : le GIGN doit donner l’assaut à bord de l’avion.
Le plan des gendarmes français était simple : sous couvert d’une conférence de presse demandée par les terroristes les hommes en noir allaient pouvoir prendre l’Airbus et le libérer.
Outre les hommes des groupes d’assaut, le GIGN a déployé quelques-uns de ses fameux THP, des tireurs de haute précision, capables d’abattre à longue distance un ennemi, depuis des « points hauts ».
À 17 heures 12 le signal est donné. Trois camions dotés d’escaliers mobiles amènent les trente gendarmes français lourdement armés.
À l’intérieur de la carlingue les tirs fusent. Des centaines de coup de feu retentissent. Au moins deux des pirates de l’air portent des fusils d’assaut AK-47, les fameuses kalashnikovs. Déjà des gendarmes français sont sortis, blessés. Des éclats de grenades se font voir.
Il faut dire que tous les médias de la planète sont présents. L’assaut a lieu en direct, alors même que les chaînes d’information en continue n’existent pas encore chez nous.
Pendant que certains tentent de maîtriser les terroristes d’autres gendarmes du GIGN évacuent les otages par les toboggans d’urgence. Sur le tarmac d’autres gendarmes les prennent en charge.
Enfin à 17 heures 31 après plus de vingt minutes de combat l’assaut est terminé. Le bilan est lourd.
Outre les quatre terroristes abattus par le GIGN, il y a 25 blessés : trois membres d’équipage, treize passagers, et neuf gendarmes.
Mais l’opération est un succès.
Après ce détournement l’avion en question ne revolera jamais. Les liaisons aériennes Air France entre Alger et Paris ne reprendront qu’en 2003. Les islamistes algériens seront au cœur d’une vague d’attentats qui endeuillera Paris entre 1995 et 1996, avec notamment la tristement célèbre attaque à la bombe contre la station de RER de Saint-Michel et ses huit morts.
Quelques semaines après les services de renseignement français annonceront que l’objectif réel n’était pas de faire sauter l’avion au-dessus de Paris mais de venir percuter un monument. On a beaucoup parler de la tour Eiffel, de la tour Montparnasse, ou de la cathédrale Notre-Dame. Une sorte de 11 septembre 2001 avec sept ans d’avance. Un scénario qui fait frémir.
Par ce sujet je voudrais rendre hommage aux passagers et membres d’équipage de l’avion, mais surtout aux gendarmes du GIGN qui célèbrent cette année le quarantième anniversaire de sa création.
Photos © AFP.
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Une réponse
Bel hommage en effet, cette opération fut l’éclatante démonstration du savoir faire des forces spéciales de la gendarmerie, chapeau bas et il y a un film « l’assaut » sur ce sujet qui explique bien le déroulé de cette opération.