Véritable cheville ouvrière du soutien opérationnel dans la Marine Nationale les vénérables hélicoptères monoturbines Alouette III sont en service depuis 1962. Un demi siècle, ce n’est pas rien, d’autant qu’aujourd’hui ces hélicoptères participent à la formation des pilotes de voilures tournantes dont le concept n’avait même pas encore été pensé lorsque la machine vola pour la première fois. Mais si cet hélicoptère semble totalement incassable, rustique, robuste, et fiable, force est de constaté que le fossé technologique entre lui et les plus récentes machines acquises par l’aéronavale est désormais profond. Limite abyssal même lorsqu’on le compare à un Caïman ou à un Dauphin N3. Alors la question de son remplacement va bien finir par se poser de manière claire et concrète. D’autant que les pièces de rechange vont finir par manquer, le principe de cannibalisation ayant également ses limites. C’est pourquoi je vous propose un petit tour d’horizon, forcément subjectif, des remplaçants potentiels de cette merveilleuse machine.
A tout seigneur tout honneur, et en ces temps de restrictions financières, commençons par l’hélicoptériste historique, Eurocopter.
- Tout d’abord une voilure tournante qui pourrait fort bien prétendre au remplacement est le biturbine EC135. Déjà en service dans la Gendarmerie Nationale cet hélicoptère fait preuve d’une polyvalence et d’une robustesse assez remarquable. Il faut dire que le descendant direct de feu le MBB Bö-108 allemand a de quoi donner de bons espoirs, puisqu’il en existe désormais une version spécifiquement dédiée aux forces militaires, l’EC635, déjà acquis par l’Irak, la Jordanie, et la Suisse. Mais gros bémol si celui ci est un franc succès sur les marchés parapubliques (ambulances, forces de l’ordre, pompiers) il n’a jamais été acquis par une force navale et son emploi sur navire est donc méconnu, à l’exception de rares appontages de machines des gendarmes ou des douaniers français.
- Ensuite vient un appareil qui a le mérite d’être déjà connu dans l’armée française, c’est le petit hélicoptère sino-européen Eurocopter EC120 Colibri qui a désormais en grande partie remplacé la Gazelle dans la mission d’entraînement primaire au sein de l’EAALAT. Seulement là encore l’appareil n’est pas connu pour un emploi particulier en milieu maritime. Et son gabarit pourrait jouer en sa défaveur, en effet sa force tractive est moindre que celle de l’Alouette III.
- On pourrait considérer aussi l’Eurocopter AS-555 Fennec, la version biturbine militaire de l’AS-350B, mais il s’agit là d’une machine vieillissante, sur le déclin, dont l’architecture générale trahit l’âge. Cependant le Fennec a largement démontré ses preuves comme hélicoptère navale, notamment sous la cocarde argentine. Son descendant direct l’EC130 semble lui hors compétition cet hélicoptère ayant plus la faveurs des commandes parapubliques que des commandes militaires.
- Reste évidemment l’EC145 biturbine, l’appareil qui a notamment remplacé l’Alouette III dans les rangs de la Sécurité Civile et de la Gendarmerie Nationale. Une machine qui a largement fait ses preuves, notamment quand la marine colombienne utilisait ses BK-117 (version d’origine développé par Kawasaki et MBB) ou plus récemment avec l’utilisation des UH-72 Lakota de l’US Army lors de missions conjointes avec l’US Navy. Il est a noté que cette dernière possède cinq de ces hélicoptères pour la formation avancée, et notamment aux procédures d’appontage, de ses pilotes d’essais. Il est à noter également que début 2012 les gardes-côtes philippins ont fait le choix de cette machine tant pour des missions SAR que pour des missions de police des mers.
Les autres appareils conçus et réalisés par Eurocopter semblent quand à eux trop gros ou tout simplement inadaptés au remplacement des Alouette III. Mais continuons un peu ce petit travail aux limites de la fiction avec des appareils ne provenant pas de l’industriel franco-allemand, et notamment des machines anglo-italiennes voire carrément américaines. En bons Européens commençons par Agusta-Westland.
- L’appareil qui semble évident à ce stade est bien sûr l’AW-109, digne héritier du Hirundo, sans cesse remis au goût du jour, et qui représenterait là encore un potentiel remplaçant crédible pour l’Alouette III au hameçon. Mais là encore le même souci que pour le Fennec, c’est un appareil vieillissant, malgré ses récentes cures de jeunesse. Autre point négatif c’est un appareil réputé difficile à piloter, donc pas forcément adapté à la formation des jeunes pilotes. Il en va de même de sa version « allégée » AW119 Koala.
- Ensuite vient l’AW139, l’éternel concurrent de l’EC145. Si là la machine semble idyllique les freins risquent bel et bien d’être politiques. Eurocopter jouant encore plus de son influence pour tenter de faire échouer une éventuelle commande étatique française sur cet appareil pourtant très efficace, et qui a déjà fait ses preuves dans les missions navales, notamment dans les rangs de la force aérienne irlandaise, des gardes-côtes britanniques et italiens, ou encore du corps des pompiers du comté de Los Angeles.
- Côté américain peu de machines pourraient être crédibles. Eventuellement le Bell 429 dont la récente commande par la marine australienne pourrait jouer en sa faveur, ou encore le Boeing MD900 Explorer, un appareil vraiment très exotique. Trop peut être. Mais la France ne semble pas prête, et on peut la comprendre, à acquérir des appareils venant d’outre-Atlantique.
Non définitivement il faut chercher ce remplaçant du côté d’Eurocopter, et la solution semble bel et bien se trouver quelque part entre l’EC135 et l’EC145, avec peut être un petit avantage pour ce second. Maintenant remplacer une grosse vingtaine d’appareils par un nombre équivalent d’hélicoptères modernes est une dépense que la République Française n’est peut être pas prête à engager. D’autant que la solution de la formation pourrait passer par une société privée, les fameuses délégations de service dont nos administrations et collectivités sont si friandes depuis maintenant plusieurs années. Ou alors le vieux concept du « déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul » qui reviendrait ici à ponctionner des appareils dans des unités pour les affecter à ces missions, en attendant mieux. Mais alors le Dauphin ou le Panther feraient ils de bonnes plateformes de formation ? Rien n’est moins sûr.
Quoi qu’il en soit je pense qu’on a encore le temps de voir voler nos Alouette III bleues marines pendant quelques années. En ce qui me concerne c’est nickel chrome. Maintenant le fossé technologique ne cessera de se creuser au fur et à mesure des chantiers de modernisations des hélicoptères actuelles. Demander à un futur pilote de Caïman d’apprendre à voler sur une Alouette III c’est comme si on donnait une Caravelle à un futur pilote d’A380. Fondamentalement c’est pas très éloigné, mais réellement c’est vachement différent. Ce souci que va bientôt connaître la Marine avec ce formidable hélico, l’Armée de l’Air l’entrevoie déjà fortement avec l’Alpha Jet, et là la solution ne pourra passer que par l’importation. Mais ça c’est une autre histoire… qui fera l’objet d’un autre article.
Photos (c) Ministère de la Défense, Irish Air Corps, Armada Argentina.
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2 Responses
26 mai 1987, 27ème division alpine de Grenoble, sur le sommet du Mont Blanc, au moment de se poser, déséquilibré par le vent, un dévale de près de 500 mètres, la face nord.
1 septembre 1998, 30 en services dans la marine française.
Hiver 2002, toujours en service dans l’armée de terre française.
Hiver 2005, encore en service dans la marine française.
2009, retrait du service.
1 septembre 2006, en service dans l’armée belge.
Été 2012, France, marine, en service, pour l’entraînement.
On assistera au changement, en attendant l’alouette est l’hélico de référence, encore une fois un peu de nostalgie ne fait pas de mal. Belle article encore une fois. 🙂