En 1964, les services de renseignement soviétique découvrirent l’existence du programme américain de mise au point du bombardier North American XB-70 Valkyrie. L’avancée technologique de l’appareil par rapport à l’ensemble des systèmes de défense soviétique était alors tel que Moscou décida de lancer rapidement l’étude et le développement d’un appareil susceptible de pouvoir intercepter le Valkyrie. Le cahier des charges prévoyait que le nouveau chasseur devait être capable de voler à Mach-3, de disposer d’un rayon d’action de 10000 km sans ravitaillement, mais surtout de disposer d’une signature radar réduite. Trois constructeurs furent alors proposés par Moscou pour construire l’avion : Lavotchkine, Sukhoi, et Tupolev.
Mais rapidement, il devint évident que devant la complexité du programme, un seul bureau d’étude devait travailler sur le projet. C’est pourquoi le Kremlin décida de fournir toute la main d’œuvre et les fonds nécessaires à Sukhoi. Les militaires soviétiques décidèrent d’allouer à l’appareil le nom de code de « Project 100« . De son côté le constructeur désigna l’avion T-4. Les travaux de définition furent particulièrement longs, si bien que le premier prototype ne fut assemblé qu’en 1969, soit trois ans après l’abandon du XB-70 par les Etats-Unis.
Afin de permettre le vol à très haute altitude, mais également les vitesses très élevées, l’avionneur décida de construire son avion en partie en titane, un des métaux les plus résistants, déjà utilisé par les Américains sur le SR-71 Blackbird. Les becs de bords d’attaque furent construits en acier inoxydable, ainsi que les trappes de train d’atterrissage, et certaine pièces autour du cockpit. La voilure, elle aussi fut intégralement pensée pour les vols très particuliers et était donc du type delta. L’avion fut également doté d’un nez inclinable pour les vols supersoniques, comme sur le Concorde franco-britannique. Deux plans « canards » furent également ajoutés sur le prototype pour les manœuvres à basse altitude. Le T-4 était doté de quatre puissants turboréacteurs Kolesov de 160 kN chacun. L’avion fut un des premiers appareils au monde doté de commande de vol électrique, toutefois asservies à des commandes hydrauliques classiques pour les phases de décollages et d’atterrissages.
Devant les caractéristiques de l’appareil, l’état-major soviétique décida de lui attribuer également la mission de reconnaissance stratégique. En effet, les services de renseignement soviétiques cherchaient activement une plate-forme d’espionnage rapide et maniable. C’est la raison pour laquelle, le programme du T-4 prit un certain retard afin d’adapter l’avion à sa nouvelle mission en mettant au point des pods de reconnaissance.
Le premier vol de l’appareil eut lieu le 22 août 1972, soit huit années après le début des études pour l’appareil. Aux mains du pilote d’essais Vladimir Illyushin, le propre fils de Sergei Illyushin, le T-4 réalisa en janvier 1973 un vol de 2000 km à la vitesse de Mach 1.89 établissant ainsi un record mondial. Par la suite, divers vols d’essais furent réalisés et en 1971 Moscou décida de passer commande pour un prototype supplémentaire et un appareil de présérie.
Mais au cours des essais en vol, le constructeur et l’état-major durent se rendre à l’évidence : le T-4 n’arriverait jamais à atteindre la vitesse de Mach 3, ne pouvant dépasser la vitesse de Mach 2.89. De plus, il n’avait pas le rayon d’action espéré et il fut donc décider d’abandonner le « Projet 100« , d’autant que le Mikoyan-Gurevitch MiG-25 trisonique, venait lui d’entrer en service. Les deux appareils en cours d’assemblage furent donc ferraillés. L’armement ne fut jamais installé sur aucun des trois avions.
De nos jours, le seul prototype du T-4 est préservé au Musée Monino dans la banlieue de Moscou aux côtés de quelques uns des plus importants prototypes soviétiques comme par exemple le premier Tupolev Tu-95, le Tu-144 Charger, la copie soviétique du Concorde, ou encore le Mikoyan Ye-6, le prototype du MiG-21. Le T-4 demeure de nos jours l’un des programmes les plus ambitieux que l’Union Soviétique.
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