Au milieu des années 50, le bureau d’étude Sukhoi lança l’étude et la production d’un chasseur à aile delta à court rayon d’action, capable d’intercepter les éventuelles vagues de bombardiers américains Convair B-36 et Boeing B-47. Ce prototype désigné T-3 Balalaïka effectua son premier vol le 26 mai 1956. L’avion ne présentait pourtant aucun intérêt stratégique du fait de sa relative fragilité. Malgré cela le Balalaïka fut présenté un mois plus tard lors d’une démonstration aérienne sur la base de Tushino. Les experts de l’OTAN présents sur place constatèrent vite que l’appareil ne pouvait pas être un avion de combat.
Parallèlement au T-3, les ingénieurs de Sukhoi planchaient sur une version de combat tout-temps désigné Su-9. Si extérieurement l’appareil ressemblait fortement au Balalaïka, son avionique et sa motorisation trahissait sa mission principale : l’interception à courte distance. L’avion bénéficiait en outre d’un turboréacteur Lyulka construit de manière à pouvoir être démarré très rapidement. Cette particularité technique permettait aux soviétiques de disposer de chasseurs en nombres conséquents très vite. Les premiers Su-9 de série sortirent des chaines de fabrication en février 1959, et furent déclarés opérationnels dès le mois de juillet. Au 1er mai 1959, six Sukhoi Su-9 participèrent à une exhibition aérienne au-dessus de Moscou, organisée par les hauts dignitaires du régime communiste et en présence de Khrouchtchev en personne. Les observateurs occidentaux purent admirer l’appareil et quelques semaines plus tard l’OTAN lui attribua la désignation de Fishpot.
Le Su-9 se présentait comme un monoplace monoréacteur à aile delta, ressemblant fortement au Mig-21 mais disposant d’un cône de nez moins proéminent. Son avionique tournait autour d’un radar de recherche et de poursuite R1L capable de repérer n’importe quel avion dans un rayon de 120 kilomètres. Son armement principal consistait en quatre missiles air-air AA-1 (Alkali selon le code OTAN) gréés en intrados, le Su-9 n’emportant aucune arme en interne, ni pod-canon. La production totale de Su-9 s’éleva à 1000 exemplaires dont environ une centaine de biplaces d’entrainement Su-9U. Les Su-9 servirent tous au sein de l’IA-PVO (force de défense aérienne soviétique) et furent affectés à la protection des principales villes russes.
Les Fishpot furent mis sous les feux des projecteurs l’année après leur mise en service, le 1er mai 1960, quand plusieurs avions décollèrent d’une base des environs de la ville de Tiouratam, où se trouve le cosmodrome de Baïkonour, afin d’intercepter le Lockheed U-2 du Capitaine Francis « Gary » Powers. L’avion espion de la CIA fut abattu par des missiles sol-air soviétique, mais la propagande de Moscou fit longtemps croire que l’avion avait été détruit par un Su-9. Cependant le plafond du Fishpot ne lui permettait pas une telle interception. Les Su-9 se rattrapèrent heureusement quelques mois plus tard, en avril 1962, quand trois chasseurs interceptèrent un Lockheed P2V de l’US Navy qui s’était aventuré un peu trop près de la ville de Mourmansk dans le Nord de la Russie. Le patrouilleur américain ne fut pas détruit mais les pilotes de l’IA-PVO le forcèrent à se poser sur le territoire russe. L’équipage fut rendu à la Navy quelques semaines plus tard sans avoir été maltraité. Le Neptune, lui demeura en URSS.
A partir de la deuxième moitié des années 60 Sukhoi étudia la possibilité de développer une version plus puissante du Su-9, capable d’assurer des missions d’interception à moyenne et longue portée. A cette époque la principale menace pour l’URSS était représenté par le B-52 et les bombardiers embarqués A-3 Skywarrior. Le nouvel avion reçu la désignation de Su-11.
Les différentes versions du Fishpot furent les derniers intercepteurs à courte portée à servir en URSS, finalement remplacés par des avions plus polyvalents. Ces avions figurent désormais parmi les avions qui servirent honnêtement durant la Guerre Froide, passant du statut d’arme de propagande à celui d’avion à tout faire. Si le Fishpot n’a pas eu le retentissement médiatique de son « petit frère » le Su-7 Fitter, il n’en reste pas moins un appareil qui a profondément marqué la chasse soviétique et les pilotes qui volèrent dessus.
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