Conçu par l’ingénieur Paul Morain, qui dirigeait alors le bureau d’études de la SNCASO, le SO-1220 Djinn répondait aux spécifications d’un programme des services officiels français pour un hélicoptère léger d’observation. A la fin des années 40, la SNCASO avait mis au point le SO-1100 Ariel, un hélicoptère à réaction par brûleurs en bout de pales. Mais les essais, à partir de 1948, s’avérèrent peu satisfaisants. Vint ensuite le SO-1120 Ariel III qui utilisait non plus le moteur à pistons Mathis de 175 ch du SO-1100 entraînant le compresseur d’air, mais une turbine Turbomeca Artouste.
L’expérience acquise sur cet appareil allait déboucher sur le Djinn : les brûleurs étaient supprimés et le rotor était entraîné par de l’air comprimé fourni par un turbogénérateur Turbomeca Palouste de 250 ch et éjecté par des buses placées en bout de pales. Ce système – qui s’inspirait notamment des résultats obtenus par les Allemands avec l’hélicoptère à réaction de Friedrich von Doblhoff – fonctionnait tout simplement sur le même principe, mais avec un fluide différent, que celui des tourniquets employés pour… l’arrosage des jardins, des pelouses et des champs.
Simplicité, mais aussi légèreté et rusticité : les deux prototypes avaient un poids à vide de 250 kg, ils étaient monoplaces et dépourvus de cabine, ce qui fait que le pilote avait la tête à l’air. C’est pourtant en plein hiver, le 2 janvier 1953, que le SO-1220 N°01 F-WCZX devait effectuer son premier vol, sur la base aérienne de Villacoublay, dans la banlieue parisienne. Aux commandes, le pilote d’essai Jean Dabos, ancien pilote de chasse des Forces Aériennes Françaises Libres (au groupe « Alsace »), puis à Air France, avant de faire partie des équipages d’essais du biréacteur Caravelle.
Quelques mois plus tard, le 23 juin 1953, Jean Dabos décollait le 02 F-WGVD. Et le 29 décembre de la même année, il obtenait le record international d’altitude toutes catégories, avec 4789 mètres, altitude proche de celle du Mont-Blanc. Record qu’il devait grandement améliorer le 22 mars 1957, avec la version biplace et carénée SO-1221 : 8458 mètres (record non homologué officiellement). Le Suisse Herman Geiger, pilote des glaciers et fameux alpiniste, vint inspecter l’appareil et déclara : « Celui-ci m’intéresse beaucoup. C’est le meilleur pour travailler en montagne, pour secourir des gens. Est-ce que vous pouvez faire des démonstrations en Suisse ?» Et c’est ainsi que le Djinn survola la mythique Jungfrau. Rappelons que le SO-1221 fut le premier hélicoptère à réaction à avoir reçu le certificat de navigabilité américain.
Le prototype du Djinn va rapidement être suivi par un appareil de série qui vole lui le 5 janvier 1956. Il s’agit alors d’un hélicoptère biplace monoturbine disposant d’un train d’atterrissage à patins, avec roues amovibles. L’appareil dispose d’un fuselage en tubulure de métal, qui enserre également la cabine de pilotage. Le rotor principal dispose de deux pâles en acier et aluminium. Il s’agit là de la première utilisation de ce matériau dans l’industrie des voilures tournantes.
L’apparition du Djinn, ainsi que celle d’autres appareils de la SNCASE et de la SNCAN, allaient marquer la naissance d’une industrie française de l’hélicoptère, aujourd’hui illustrée par Eurocopter. Les ateliers SNCASO de La Courneuve, près de Paris, produisirent les prototypes, puis une présérie d’une vingtaine d’unités biplaces. C’est ensuite l’usine de Rochefort, qui prit le relais pour la série des SO-1221.
En avril 1958, l’ALAT (Aviation légère de l’armée de Terre française) commanda un lot de 100 Djinn pour des missions de liaisons, d’observation, mais aussi d’évacuation sanitaire. Dans ce dernier cas l’appareil ne dispose que d’un pilote et d’un brancard recouvert d’une bâche pour protéger le blessé. Les Djinn de l’ALAT vont être massivement utilisés au-dessus des djebels algériens. Une poignée d’entre eux vont même participer aux élaborations des premiers hélicoptères d’attaques. Les Djinn de « combat » emportent roquettes, mitrailleuses, mais également des bombes légères. Un Djinn va même être le premier hélicoptère au monde à tirer un missile : une arme antichar du type SS-11 construit par l’avionneur Nord. A partir de 1960, les Djinn commencent à être transférés à des opérations d’entrainement.
La Bundeswehr (ALAT allemande) utilisa cinq appareils de ce type pour des missions d’entrainement et d’observations. Ils servirent jusqu’au milieu des années 70. De son côté, la Troupe d’Aviation Suisse acquit quatre SO-1221 pour des missions de liaisons, d’observation, et de promotion de l’hélicoptère dans le pays alpin.
En 1958, l’US Army commanda à la SNCASO trois Djinn pour des essais. Sous la désignation de YHO-1DJ ces appareils furent soumis à des tests à la base d’essais d’Edwards. Confrontés au Hiller Raven, les Djinn semblaient trop radicalement différents, et ne furent pas commandés en série. Deux des trois appareils furent rendus à la France tandis que le troisième rejoignit la Federal Aviation Administration (FAA, aviation civile américaine) où il vola pendant sept ans.
Certains exemplaires furent commandés par une vingtaine d’utilisateurs d’une douzaine de pays, notamment les Expéditions Polaires françaises dirigées par Paul-Emile Victor.
S’il n’a jamais eu l’image des Bell 47 ou des Alouette II durant la guerre d’Algérie le Djinn demeure une des machines emblématique de l’effort industriel consentie par la France dans les années 50 pour défricher le domaine de vol des voilures tournantes. Aujourd’hui encore, quelques Djinn prennent l’air, en particulier pour des vols de collection ou des missions agricoles.
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