Dans les années 50 et 60, plusieurs pays se lancèrent dans le développement d’aéronefs à décollage et atterrissage vertical (ADAV – VTOL en anglais). Dans la grande famille des ADAV, divers prototypes d’avions convertibles à hélices virent le jour sous deux formes : des appareils à rotors basculants (Tilt Rotor), par exemple le Nord N-500 Cadet, et ceux à voilure basculante (Tilt Wing) comme Canadair CL-84.
En Amérique, les États-Unis produisirent quelques aéronefs expérimentaux à voilure basculante tel le Vertol VZ-2, le Hiller X-18 et Ling-Temco-Vought XC-142 qui ne connurent pas de suites. Fort des connaissances et de l’expérience acquises dans le cadre d’un projet de recherche mené depuis 1957 et financé par le gouvernement canadien, Canadair développa également un aéronef expérimental à voilure basculante, le Canadair CL-84 Dynavert, qui fut sans aucun doute l’appareil de ce genre le plus accompli.
La motorisation du CL-84 était assurée par deux turbopropulseurs Lycoming T53-LTC1K-4A de 1450 CH entraînant des hélices quadripales de 4,30 m de diamètre. L’assiette aux basses vitesses et pendant le vol vertical était assurée par deux hélices bipales contre rotatives à la queue de l’appareil. En position d’arrêt, elles étaient alignées de manière à diminuer la traînée. L’aile pouvait basculer jusqu’à un angle de 100° ce qui permettait au Dynavert de décoller et d’atterrir verticalement, mais aussi de reculer à faible vitesse.
Cet hybride d’un croisement entre un avion et un hélicoptère, présentait l’avantage d’une vitesse bien supérieure en vol horizontal. Ainsi le CX-84 pouvait voler à une vitesse maximale de 517 km/h, alors que les principaux hélicoptères, alors en usage en Amérique, le Bell Huey, le Boeing-Vertol Chinook et le Sikorsky Sea King affichaient respectivement des vitesses maximales de 230 km/h, de 267 km/h et de 298 km/h.
Le CL-84 fit son premier vol en 1965 et, après 305 vols sans incidents, s’écrasa en 1967 suite à la défaillance d’une hélice. L’équipage s’éjecta heureusement sans blessures. Le successeur de ce premier prototype, qui prit l’air en 1970, incorporait de nombreuses améliorations dont des moteurs plus puissants, des réservoirs de plus grande capacité et des points d’attache extérieurs. Le ministère canadien de la Défense fit l’acquisition de trois de ces appareils, désignés CX-84, pour poursuivre les programmes d’essais. Cette nouvelle version à cabine allongée pouvait emporter une dizaine d’hommes de troupe. L’ajout d’armement sur l’un des appareils, soit une mitrailleuse à cadence de tir élevée General Electric SUU 11A/A de calibre de 7,62 mm, permit de faire la démonstration des capacités défensives et d’appui au sol du Dynavert.
Au plus fort de la guerre du Vietnam, la US Navy exprima de l’intérêt pour le Dynavert et le CX-8401 fut détaché aux États-Unis pour une série de vols de démonstration et d’essais à bord de l’USS Guam. Les performances démontrées par l’appareil lui valurent un programme d’essais plus poussés avec des pilotes de la US Navy, des US Marines, de la Royal Air Force (RAF) et de l’Armée de l’air canadienne au centre d’expérimentation de la US Navy à Patuxent. En 1973, le CX-8401 s’écrasa suite à une défaillance majeure et inexpliquée d’une hélice et de son système d’entraînement lors d’un essai d’ascension verticale à haute vitesse. On soupçonna les pilotes de la US Navy et des US Marines de tenter, sans autorisation, d’établir un nouveau record du monde. Ils purent heureusement s’en tirer indemnes. Un autre appareil, le CX-8402 fut détaché pour compléter les essais à bord de l’USS Guadalcanal. La facilité de pilotage et les performances du Dynavert, même dans des conditions de vents forts, démontra son grand potentiel pour le transport de troupes ainsi que pour des missions de lutte anti-sous-marine.
Malgré les louanges de la quarantaine de pilotes militaires ayant participé aux essais, le Dynavert ne fit l’objet d’aucune commande de série. L’obstacle majeur à franchir aux États-Unis est toujours le réflexe «NBH» (Not Build Here) de la plupart des élus au Congrès américain. L’entreprise de Havilland Canada avait tout de même réussi dans le passé à vendre les avions DHC-2 Beaver, DHC-3 Otter et DHC-4 Caribou aux forces armées américaines, mais la fin de la guerre du Vietnam entraînant des coupures drastiques dans les budgets militaires, a également joué en défaveur du CL-84. Canadair a bien tenté de vendre le Dynavert à d’autres alliés de l’OTAN mais, faute d’intérêt, le programme de développement du CL-84 prit fin en 1974.
L’appareil CX-8402, qui a effectué près de 200 vols, est dorénavant une attraction au Musé canadien de l’aviation et de l’espace à Ottawa. Bien qu’aucun aéronef convertible à hélices n’ait dépassé l’étape des essais dans les années 50 à 70, le concept fut repris avec succès une trentaine d’années plus tard avec l’appareil militaire Bell-Boeing V-22 Osprey et l’aéronef civil Bell/Agusta BA609.
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