Début 1934, l’Air Ministry lança la Specification 3/34 destinée à trouver un remplaçant aux bombardiers Handley-Page Heyford et Vickers Virginia, tous deux biplans, et tous deux en voie de totale obsolescence notamment en raison de l’entrée en service de chasseurs de nouvelle génération. Deux constructeurs répondirent favorablement au cahier des charges : Armstrong-Whitworth et Handley-Page. Les deux appareils impressionnèrent grandement l’Air Ministry mais finalement ce fut le premier d’entre eux qui fut commandé en série afin de devenir le Whitley. Le HP.54 ne tomba pourtant pas totalement dans l’oubli.
Désigné Harrow par l’Air Ministry et le constructeur l’avion fut finalement commandé grâce à la Specification 29/35 relative à un bombardier moyen capable de remplir également des missions de transport de parachutistes. Une commande fut passée en juillet 1936, c’est à dire avant même la sortie d’usine du premier prototype, pour cent appareils. En effet avec la montée en puissance du IIIème Reich les Britanniques décidèrent de moderniser en profondeur la RAF.
Le Handley Page HP.54 Harrow se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute bimoteur multiplace. Il disposait d’un empennage double dérive et d’un train d’atterrissage tricycle fixe à haubans. L’avion disposait de deux postes de tirs pour mitrailleuses mobiles dans le nez et la queue, ainsi que d’une tourelle mobile bitube sur l’extrados du fuselage. Quant aux bombes elles étaient installés en soute et sous les ailes pour une masse maxi emportable de 1 350kg.
Avion de transport de parachutiste également le Harrow pouvait dans ce cas emporter vingt de ces passagers très particuliers dans sa soute et les larguer grâce à une porte installée sur le côté droit. Dans le cadre des missions de parachutage les Harrow n’emportaient pas la moindre bombe. Le prototype de ce bombardier très particulier effectua son vol inaugural le 10 octobre 1936.
Lors de la phase d’essais en vol les pilotes de l’institut britannique de Boscombe Down estimèrent que l’avion était sous-motorisé et ordonnèrent que l’on changea rapidement les moteurs Bristol Pegasus Mk-X de 850 chevaux par des Pegasus Mk-XX plus puissants. Toutefois à ce moment là 39 Harrow avaient déjà été produits avec le propulseur d’origine et ne furent donc pas transformés. Ils reçurent la désignation de Harrow Mk-I tandis que ceux avec le second devinrent des Harrow Mk-II.
Les premiers Harrow Mk-I entrèrent en service en janvier 1937 au sein du Squadron 214. Jusqu’en décembre de la même année, époque de sortie du centième et dernier exemplaire, le Harrow fut réceptionné par pas moins de quatre autres unités, les Squadrons 37, 75, 115, et 215. Les Squadrons 37 et 115 qui avaient été dissous en 1919 furent tous deux reformés pour permettre l’entrée en service du Harrow.
À cette époque la presse britannique représentait cet avion comme étant l’un des plus laids jamais mis en service par la RAF. Il faut dire que les designers ne s’étaient pas particulièrement préoccupé de l’esthétisme de la machine.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata les Harrow furent adaptés à une nouvelle mission très particulière, la dispersion sur le champs de bataille de petites mines et de grenade. Désigné LAM (pour Long Aerial Mines) ces missions étaient censés permettre le ralentissement de la progression des unités de la Wermacht. Toutefois les Harrow étant incapable de bombarder à basse altitude, la dispersion des mines se faisait de manière trop large pour avoir un réel impact sur l’armée allemande. Les missions LAM furent finalement reprises dès août 1940 par les Douglas Havoc plus maniables et surtout plus efficace à basse altitude.
Dès la fin de l’année 1940 les Squadrons 115, 214, et 215 abandonnèrent leurs Harrow au profit de nouveaux avions comme les Boeing Fortress Mk-I, acquis discrètement aux États-Unis via le Canada. Pourtant les bimoteurs ne furent pas envoyés à la ferraille pour autant. La plus part rejoignirent le Squadron 93, une unité dépendant du Training Command et destiné à la formation des équipages de patrouilleur pour le compte du Coastal Command. Ce fut là les seuls Harrow à revêtir la livrée grise et blanche des avions de lutte anti-sous-marine et de surveillance côtière. Deux missions qu’aucun de ces avions ne remplit jamais.
Les autres Harrow rejoignirent le Squadron 271 et le Flight 420. La première unité était un Squadron disposant d’une cinquantaine d’avions différents, dont des Bristol Bombay, des De Havilland Flamingo, et divers avions civils issus entre autre de l’Armée de l’Air ou de l’aviation polonaise. C’est ainsi que cette unité faisait voler aux côtés de ses Harrow quelques Caudron Goéland. Quant au Flight 420 ses missions étaient plus secrètes et consistaient en général en un parachutage d’espions britanniques et de commandos derrières les lignes ennemis, souvent au profit des Partisans yougoslaves ou de la Résistance française. Le Flight 420 conserva ses Harrow jusqu’à la fin de la guerre, aux côtés de Lysander.
Les Harrow connurent finalement la une des journaux britanniques avec le Débarquement, l’opération Overlord, où dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 ils larguèrent plusieurs commandos parachutistes britanniques au-dessus du bocage normand. Mais surtout les Harrow furent utilisés pour le tractage de planeurs d’assaut. Quelques semaines plus tard les Harrow du Squadron 75, la seule unité d’origine à avoir conservé ses bimoteurs tout au long du conflit, participèrent à la couverture aérienne de l’évacuation alliée de la ville néerlandaise d’Arnhem, après l’échec de l’opération Market Garden. A cette occasion deux autres Harrow, des avions du Flight 420, transportèrent des blessés jusqu’en Angleterre. Ce fut là la seule fois où des Harrow bombardèrent un terrain pour soutenir des Harrow de transport.
Sur cent avions de série construits seulement 19 furent perdus en opération, faisant de cette machine un avion particulièrement apprécié de ses équipages. En mai 1945 lorsque la guerre prit fin en Europe, tous les Harrow furent retirés du service. Les derniers bombardiers furent remplacés par des North American Mitchell Mk-III et les avions de transport par des Dakota.
Bombardier particulièrement disgracieux, le Handley Page Harrow fut toutefois un honnête acteur de l’effort de guerre britannique, et ce jusqu’à la capitulation des nazis. Pas mal pour un avion à l’aérodynamisme raté, justement conçu pour contrer la montée en puissance du nazisme. Tous les Harrow ont été par la suite ferraillés.
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